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Fragments d'un miroir brisé

Valério Evangelisti (Anthologiste), Wojtek Siudmak (Illustrateur de couverture)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/10/01  -  Livre
ISBN : 2266101374
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Eric   - le 27/09/2018

Fragments d'un miroir brisé

Jusqu'à il y a peu, ma vision de la SF italienne se limitait à moi au volant d'une Ferrari. Toutefois, si l'on en croit Valerio Evangelisti, j'avais une bonne excuse. Comme il l'explique dans sa courte préface, la SF italienne est encore jeune, ou en tout cas, qualitativement jeune. S'il est vrai que le genre a connu là-bas une floraison soudaine dans les années 60, c'était surtout sous l'impulsion de tâcherons imbéciles, qui ont largement desservi la cause du genre, le faisant sombrer dans la récupération par l'extrême-droite italienne. Il aura donc fallu attendre jusqu'au début des années 80 pour assister à l'émergence d'une SF digne d'intérêt. C'est donc l'instantané d'une adolescence encore tumultueuse que nous propose ici le père de Nicolas Eymerich.

Des intentions louables

Une anthologie composite, qui laisse un peu l'impression d'avoir raclé les fonds de tiroir. Après tout, n'est ce pas Evangelisti, qui tout dernièrement encore, nous disais que la SF italienne était pauvre. Et il faut bien l'admettre, si souvent les intentions qui animent les auteurs de ces Fragments de miroir brisé sont louables, elles ne se concrétisent pas toutes avec un égal bonheur.

Du cyberpunk, assez présent dans l'esprit, sinon dans les thématiques, on retrouvera ce maniérisme parfois outré qui confine presque au ridicule. C'est le cas par exemple de L'ombre des empires à venir, de Le reflet noir du vinyle ou de La musique du plaisir. On est frappé aussi par le manque de personnalité de certains textes, qui, même s'ils servent une bonne idée, restent trop servile en regard de leur genre de référence. Ainsi Ketama, qui mixe allègrement cyberpunk et roman noir autour d'une belle idée de récit à chute, garde un rendu finalement très "amateur". Le dernier souvenir quant à lui, qui se veut un exemple de science fiction érotique, s'habille de réflexions profondes demeure à peine plus intéressant qu'un boulard du dimanche soir sur M6.

Restent toutefois quelques belles tentatives, comme Fabulaliena, nouvelle fantastico-onirique qui ouvre le volume, ou bien encore La Baleine du Ciel, qui affirme un vrai particularisme, et vous ballade facilement dans un univers à mi-chemin de Jules Verne et d'Indiana Jones. De belles tentatives, et, heureusement, quelques vraies réussites. Le très beau et très poétique Choukra, qui n'est pas sans rappeler l'Ayerdhal des débuts, le surréaliste Tarentula, avec son univers de faux-semblants absurdes et gore, Je le jure nouvelle à chute que n'aurait sans doute pas renié Poe ou Maupassant. Et enfin, dépassant de la tête et des épaules tout le reste de la production Kappa, la contribution du maître des lieux, qui délaisse pour une fois son inquisiteur favori au profit du cyberpunk militant sur fond de révolution anti-mondialiste.

Une anthologie découverte en demi-teinte.

Un bilan en demi-teinte, donc, pour cette anthologie-découverte, mais qui mérite le coup d'œil, et le coup de pouce aussi. Car la SF italienne voit ses vieux démons revenir la hanter. L'extrême droite consensuelle du gouvernement Berlusconi, est doucement en train de la récupérer. Sans faire de vagues, on écarte gentiment les plus vindicatifs des auteurs, pour utiliser les univers du genre au service de la cause. Berlusconi est un homme de communication, qui a bien compris que le support de l'imaginaire fera plus pour lui, que de longs discours, et aujourd'hui, de tous les auteurs présents dans ce recueil, il n'y a guère qu'Evangelisti lui-même, que le succès met à l'abri de cette censure molle. Parmi eux pourtant, il apparaît clairement que certains auteurs ont un réel avenir littéraire hors des frontières de l'Italie, c'est l'occasion rêvée de s'en rendre compte.

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