La biographie de Walter M. Miller est assez courte sur le plan littéraire. On pourrait la résumer ainsi : un livre écrit, Un Cantique pour Leibowitz, (couronné par le prix Hugo 1961), une suite ébauchée et terminée par Terry Bisson L'Héritage de saint Leibowitz et un recueil de nouvelles Humanité provisoire. Côté privé, on ne sait pas grand chose de l'homme. Anglais né en 1922 et décédé en 1996, Walter M. Miller fut pilote de chasse pendant la Seconde Guerre Mondiale. Un accident et une longue période de convalescence lui permirent d'écrire un petit chef d'œuvre, Un Cantique pour Leibowitz, réédité ces jours-ci par Folio SF.
Beuarg
Comme à chaque fois que l'apocalypse nucléaire survient, la barbarie reprend ses droits ensuite. Dans Un Cantique pour Leibowitz de Miller, ce retour à la violence aveugle est voulu par ce qui reste des humains. En effet, après avoir survécus, ceux-ci vont diriger leur colère vers les sciences et la connaissance, tenus pour responsables du désastre. Les livres brûlés, les scientifiques et savants exécutés, cet appétit de vengeance se poursuivra pendant plusieurs siècles avant de se calmer. C'est alors une époque où détenir un livre est passible de mort.
Ignorants, barbares et fiers de l'être, les hommes vont se regrouper en une multitude de petits états monarchiques, construits sur les ruines des grandes nations. Seule l'église catholique arrivera à tirer son épingle du jeu et à garder sa puissance. Le nouveau Pape réside dans la nouvelle Rome, située sur le continent nord américain, la ville originelle ayant été détruite entièrement lors de la guerre nucléaire. L'Eglise possède encore de nombreuses ramifications de par le monde, comme des abbayes, monastères et autres chapelles. Malheureusement, même elle ne peut rien contre la volonté populaire d'ignorance. Enfin, pas ouvertement...
Risquer sa vie pour quelques livres...
De son côté le physicien Leibowitz fut parmi les survivants de la guerre. Ce fut malheureusement pour découvrir que sa femme était, elle, parmi les victimes. Traqué pour son savoir par la vindicte populaire, il décida alors de rentrer dans les ordres et de fonder une abbaye. A partir de ce moment-là, il s'astreint à la dangereuse mission de sauvegarder les bribes de connaissances restant encore sur Terre. Il devint alors avec ceux qui le suivirent, un contrebandier des livres.
Sa tâche était délicate, car même les membres de l'église ne pouvaient se déplacer sans crainte sur les routes dans l'anarchie régnant à ce moment là. Une fois les livres récupérés, ils étaient entreposés dans l'abbaye à l'abris des regards. A sa mort, un ordre monastique portant son nom fut fondé et les moines suivants à l'abbaye continuèrent son oeuvre, attendant que le monde sorte de sa folie pour révéler ses trésors. Malgré la protection de l'église, l'abbaye fut tout de même sept fois assiégée sans jamais être prise.
Un prix Hugo largement mérité
Ce livre de Miller nous raconte la vie de cette abbaye à différents tournants importants de son histoire. Tout va commencer avec frère Francis de L'Utah. Celui-ci va découvrir au cours d'un ermitage de Carême, des reliques appartenant au membre fondateur de son ordre, le Bienheureux Leibowitz. Seul dans le désert, il va détecter l'entrée de l'abri dans lequel Leibowitz se cacha durant la guerre nucléaire. L'événement est de taille, car il pourra peut-être permettre au Bienheureux Leibowitz d'être canonisé. Du moins c'est ce que pense Frère Francis. Mais, rien n'est si simple comme il le découvrira.
C'est un livre remarquablement bien écrit que l'on prend plaisir à dévorer. La narration, un peu comme dans Fondation d'Isaac Asimov (avec des sauts d'époque en époque), fluidifie le roman qui se lit comme une suite de nouvelles. Le succès mondial de cette œuvre et son prix Hugo de 1961 sont largement mérités.