BD
Photo de Le Bûcher

Le Bûcher

Michel Suro (Dessinateur), Hubert (Coloriste), Eric Corbeyran (Scénariste), Yannick (Coloriste)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/03/02  -  BD
ISBN : 2840556790
Commenter
charlotte   - le 27/09/2018

Le Bûcher

Corbeyran retrouve ici ses premiers amours de scénariste puisque son premier scénario, un récit fantastique publié en 1990, avait pour cadre le Moyen Âge. Il ne quitte pas pour autant l'univers, qui lui est devenu familier, des Stryges. La série Le Clan des Chimères est la dernière venue dans la fresque qui met en scène les Stryges, ces créatures fabuleuses dont le nom, qui vient du latin " strix, strigis ", signifie " oiseau de nuit " (notons tout de même que, dans le dictionnaire, le mot " stryge " est orthographié différemment : " strige "). Si Le Chant des Stryges et Le Maître de Jeu s'inscrivent dans un monde contemporain, Le Clan des Chimères est résolument médiéval ce qui a pour conséquence première de drainer tout un tas de croyances qui sont fortement ancrées dans l'imaginaire collectif lié au Moyen Âge ; pour exemple, le recours à l'Inquisition, la sorcière, la magie noire… Corbeyran a surtout écrit des scénarios dans lesquels l'action se passe à notre époque et c'est peut-être avec quelques clichés qu'il exploite maintenant l'univers médiéval.

Michel Suro, quant à lui, est un dessinateur hors du commun en cela qu'il n'a jamais pris un seul cours de dessin et qu'il a quitté l'école en troisième. C'est donc en parfait autodidacte qu'il découvre la BD après avoir travaillé dans le maquettisme, la publicité ou la photogravure. Il publie en 1992 ses premières planches dans La Dépêche du Midi. Il entre réellement dans le monde de la Bande dessinée avec la série Sundance, un western, dont le scénario est de Corteggiani. Il rencontre une première fois Corbeyran mais leur collaboration n'aboutit pas, ce n'est que lors d'une autre rencontre, en 1999, qu'est avancé le projet du Clan des Chimères. Son dessin est très classique, ce qui est relativement étonnant de la part d'un autodidacte puisque, n'ayant suivi aucune école et donc aucun style en particulier, on s'attendrait peut-être à un peu plus d'audace dans le dessin et dans le découpage même des scènes. Il n'en reste que son style sert l'histoire de Corbeyran qui est elle-même très classique.

Une situation délicate

Le castel de Roquebrune va mal, très mal. Payen, le seigneur du château est en proie à la fièvre et au délire depuis que son fils, Abeau, a disparu. Son cousin complote contre lui et veut à tout prix prouver son illégitimité afin de conquérir son domaine. Il envoie pour cela le vil Perrin, toujours accompagné de son " gris ", trouver un parchemin dans les archives de Roquebrune. Pendant ce temps, la douce Gwenaldren, devenue une femme jalouse et bafouée, fait appel à son cousin Bertaire, prêtre au service de la Sainte Inquisition afin de faire juger celle qu'elle considère responsable de la disparition de son fils et du mal dont souffre son époux. C'est un procès en sorcellerie et commerce avec le Malin qui est intenté à la trop belle Smérald qui a eu l'outrecuidance de charmer le Seigneur de Roquebrune. Mais cette liaison a eu un fruit inattendu qui pourrait être un nouvel instrument du destin. En outre, il n'y a pas que les gens de Roquebrune qui se sont mis à la recherche du jeune Abeau, une étrange créature envoie les fées puis les kobbolds à la poursuite du jeune nobliau.

Y'a du boulot mais...

Le Clan des Chimères est une BD bien travaillée avec une volonté de bien faire derrière mais qui pêche justement par cela. A vouloir trop marquer l'implantation d'une histoire dans un décor médiéval, on finit, non pas par créer une œuvre originale qui se déroule au Moyen Âge, mais par " faire du médiéval " avec tout ce que cela comporte comme clichés et lieux communs. Tous les ingrédients y sont mais ils ne sont malheureusement pas exploités d'une manière novatrice. Ce qu'il y a d'intéressant à reprendre les archétypes traditionnels, c'est de les déplacer, de donner d'autres ouvertures aux personnages que leur rôle usuel. Ce n'est pas ce qu'apparemment se propose de faire Corbeyran dans ce deuxième tome, alors que le premier pouvait laisser espérer mieux. Comme toujours, on retrouve le seigneur du château qui tombe amoureux d'une belle jeune femme considérée comme une sorcière par le peuple, son fidèle compagnon d'armes, sa tendre épouse qui cherche à regagner son amour, l'inquisiteur de service, le vilain, très laid et méchant, prêt à tout dans l'espérance de toucher quelques deniers. Bref, que du déjà vu ! Le bouc-émissaire est cette belle brune aux allures de gitane dont le prénom, Smérald, est l'anagramme avortée de la magnifique héroïne de Notre Dame de Paris de Victor Hugo, Esméralda. Dès lors, on ne peut s'empêcher de penser que Bertaire tient, lui, du juge Frollo et que la scène de la page 21 est un clin d'œil à cette œuvre. L'idée d'intégrer des stryges à l'histoire sauve la BD puisque cela permet d 'échapper aux monstres traditionnels de cette époque et de donner un caractère nouveau à ces êtres mythologiques qui traversent les époques, mais que, pour l'instant, on n'avait pu voir que dans notre monde moderne. On peut se demander si Corbeyran ne fait pas, finalement, exprès de reprendre les codes du genre pour les intégrer dans une trame différente de celle rencontrée habituellement. Espérons que dans le troisième tome, elles auront un rôle plus central et que l'on offrira au lecteur une lecture plus affriolante et moins prévisible. Cependant, si vous êtes fans des histoires au contexte moyenâgeux vous trouverez certainement votre compte.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?