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La Longue Nuit

Guillaume Sorel (Dessinateur), Mathieu Gallié (Scénariste), Phil Castaza (Dessinateur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 30/09/02  -  BD
ISBN : 284055867
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charlotte   - le 31/10/2017

La Longue Nuit

Souvenez-vous d'Algernon Woodcock, ce médecin de campagne de petite taille établi dans la lande écossaise du XIXème siècle. En exclusivité nous pouvons lire aujourd'hui son recueil d'histoires fantastiques et mystérieuses qu'il a récolté çà et là parmi les habitants de la lande et qu'il a patiemment consigné durant toutes ces années dans le " Brownie Book ".

Matthieu Gallié est un scénariste qui aime à transformer la réalité, ce qui apparaît au premier abord en contradiction avec son passé de " scientifique ". Au premier abord seulement puisque finalement le monde de l'imaginaire est un merveilleux palliatif à l'empirisme. Il a aussi un deuxième talent, celui de choisir avec parcimonie les auteurs avec lesquels il travaille. Pour exemple Mangecoeur (L'Intégrale, Vents d'Ouest, 2000) dont il a confié les dessins à Andreae qui a insufflé à l'histoire toute sa magie, sa poésie et sa tendresse, éléments que l'on retrouvent par ailleurs dans Oceanica, sa dernière Bande dessinée récemment parue chez Casterman. Mais aussi Guillaume Sorel avec lequel il se lance dans l'aventure Algernon Woodcock (tome 1 : L'OEil Fé, Delcourt, 2002), série mère autour de laquelle se développe la série parallèle Contes des Hautes terres dont il est ici question. Et maintenant Castaza.

BEP d'imprimerie et reconversion

Après avoir suivi des cours de BEP d'imprimerie, Phil Castaza s'en détourne totalement pour se consacrer à sa passion, la Bande dessinée. Il est des auteurs qui affectionnent particulièrement certains univers et ne s'en écartent pour ainsi dire jamais, ce qui n'est en aucun cas un reproche puisque cela leur permet, la plupart du temps, de " creuser " cet univers. Mais d'autres, et Castaza fait parti de ceux-là, aiment à confronter leur dessin à des genres et des mondes différents. Castaza passe du roman graphique avec les Récits d'un siècle oublié (initialement publié par Le Téméraire mais épuisé) à la science-fiction avec Khatedra (tome 2 : Sans retour, Soleil, 2002) ou au polar façon Audiard avec Les Teigneux (tome 1 : Bazooka Twist, Soleil, 2002). En s'associant à Sorel et Gallié, il se lance un nouveau défi en imaginant l'univers des campagnes écossaises du XIXème siècle.

Deux histoires nous sont présentées par Algernon Woodcock. La première, La veuve de la Lande, narre le destin tragique de deux amants. Après avoir été chassé par le père de celle qu'il aime, Conan devient bandit de grand chemin pour amasser la dote de Maureen. Mais il se fait tuer lors d'une de ses tentatives de vol. Maureen se marie un an plus tard avec le meilleur ami de son ancien amant. Au cours du banquet, Conan revient se venger et réclamer son du. La deuxième, La Longue Nuit, raconte l'histoire d'une jeune orpheline, Audrey, partie chercher en pleine nuit le médecin du village afin qu'il tente de sauver son petit frère. Dans les bois, elle rencontre un magnifique jeune homme avec lequel elle dansera toute la nuit, oubliant l'urgence de la situation. Avec l'aube, la magie disparaît et elle recouvre ses esprits, elle court jusqu'au village et y apprend que l'on est en train d'enterrer un homme qui n'est autre que son frère mais âgé de 87 ans.

Surprise !

Ce premier tome est plein de surprises. La première vient de la narration elle-même. Gallié se plaît à perdre le lecteur et construit son récit de manière à toujours laisser planer le doute quant à l'existence réelle de ces histoires, renouant par-là même avec le fantastique dix-neuvièmiste. En effet, la mise en abyme du récit dans le récit lui permet de multiplier les différents narrateurs. Tant et si bien que l'on ne sait si l'histoire qui nous est contée est celle qu'Algernon a consignée dans son livre, c'est-à-dire qui est passée par son propre filtre, ou celle que l'on découvre en même temps que lui de la bouche des gens qui en ont été plus ou moins témoins. Le dessin se fait l'écho de ce flou puisque deux dessinateurs, au graphisme fort éloigné l'un de l'autre, se partagent la Bande dessinée. Les planches dans lesquelles apparaît Algernon sont dessinée par son " père " Sorel et celles qui mettent en scène les deux récits en eux-mêmes sont confiées à Castaza. Le dessin de Sorel est, comme toujours, égal à lui-même c'est-à-dire parfait. Peintre de la folie et de la peur, il est passé maître dans les expressions qui les suggèrent. Face à l'angoisse des différents narrateurs, il place Algernon, le scientifique, l'homme réfléchi, attentif et dont chaque sentiment n'est perceptible que d'une manière subtile à la faveur d'un sourire énigmatique ou d'un froncement de sourcil. Face à Sorel, il est difficile de faire le poids, mais Castaza s'en tire plutôt bien notamment en adaptant son style au scénario, en donnant à ses personnages des traits très réalistes tout en créant un décor vaporeux et impalpable, un des meilleurs exemples étant les pages 16 à 20. Le choix du noir et blanc est là aussi extrêmement judicieux puisque ces histoires sont issues d'un bouquin vieux de plus d'un siècle. Qu'y aurait-il à rajouter pour vous convaincre de l'acheter ?

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