Retour de Flammes

Retour de Flammes

José Muños est un dessinateur très chanceux et très doué. Il est né en 1942 à Buenos Aires. A 12 ans il suit les cours de peinture, sculpture et marionnettes d'Humberto Cerantonio. En parallèle, il se rend aux cours du maître du noir et blanc, Alberto Breccia, à l'école panaméricaine d'Art. Son dessin est fortement influencé par Hugo Pratt qu'il rencontre en 1959. A 21 ans seulement il a la chance d'être engagé par ce dernier pour dessiner Precinto 56 dans Mistirix. En 1972, il quitte l'Argentine et s'exile en Espagne où il rencontre Carlos Sampayo avec qui il collaborera de nombreuses fois. Casterman a offert un beau cadeau au lecteur en rééditant régulièrement depuis cinq ans quelques-uns de ses chefs-d'œuvre.

Daniel Picouly, professeur d'Economie et de Gestion, chroniqueur littéraire pour le Journal du Dimanche a commencé sa carrière d'écrivain par la publication de romans policiers. Mais c'est avec Champ de Personne, paru chez Flammarion en 1995, qu'il connaît le succès. Depuis, il a publié des romans de genres différents allant de la saga familiale à la littérature jeunesse en passant par l'historique. En 1999, il reçoit le Prix Renaudot pour L'Enfant Léopard paru chez Grasset. Grâce aux éditions Casterman, il se lance dans un nouveau défi, le scénario de Bande dessinée. En effet, les éditions Casterman ont lancé une opération " Duo écrivain / dessinateur " qui favorise la rencontre de deux milieux encore trop souvent cloisonnés. En plus du fruit du travail des deux artistes, une nouvelle inédite de l'écrivain est remise à l'achat d'un album de cette collection.

Un passé encombrant

Nastro est à la veille de concrétiser tous ses rêves d'ascension sociale, dans quelques heures il sera nommé Premier Ministre. Un parcours sans faute pour cet homme qui ne doit sa réussite politique qu'à sa seule volonté, et accessoirement à son mariage avec une riche héritière. Son père, ouvrier polonais est mort dans un accident de travail, sa mère, terrassée par le chagrin, l'a suivi de près, et son frère enfin, est décédé dans un accident de voiture. A l'heure du bonheur et de la gloire, le passé revient le tourmenter sous les traits d'un coupé 203 bordeaux. " Le passé a de l'humour ", et la vengeance?….

Un petit bijou !

Tenez-le vous pour dit, c'est un petit bijou que vous tenez entre vos mains. Le dessin et le scénario sont en symbiose totale. Cette histoire nous emmène dans les méandres de l'âme humaine. Le passé, ses angoisses, sa mauvaise conscience, ressurgissent toujours lorsque tout semble aller pour le mieux. Et ce passé lorsqu'il est accompagné de la vengeance peut vous prendre ce que vous avez de plus cher au monde. Nastro est un homme politique comblé, il sera bientôt nommé Premier Ministre. Quel parcours éclatant pour celui qui a grandi dans les quartiers pauvres et qui vit maintenant à Neuilly. Pourra-t-il compter sur la vieille équipe, la bande de sa jeunesse qui, elle, n'a pas quitté le quartier ? Il est dangereux de se replonger dans son passé, surtout lorsque les braises ne se décident pas à s'éteindre et que le temps est compté. Le dessin se fait l'écho de ce récit haletant. Muños prouve une fois encore qu'il est l'un des maîtres du noir et blanc. La part d'ombre de Nastro est perceptible dans le dessin, dans la mise en scène des planches. Les différents gros plans sur l'œil du " héros " rythment le récit et créent dans la narration même une fêlure. Deux visions d'un même homme, là où le blanc domine, l'homme respectable, plein de probité, là où le noir domine, l'homme pourchassé par les vieux fantômes. Et la victime et le bourreau.