L'Eau Noire
Natasha Beaulieu est une jeune auteure, déjà connue et reconnue au Québec pour ses nouvelles – plus d'une cinquantaine - dont certaines ont été primées. Ses écrits sont surtout remarquables pour l'univers complexe mais cohérent que partagent beaucoup de ses récits. Pour son premier long roman, Natasha Beaulieu s'est lancée dans une trilogie fantastique qui explore plus à fond ce monde des Cités Intérieures qui sont le coeur de son oeuvre.
Mondes parallèles
François Moreau vit à Montréal. C'est un jeune oisif qui a le don d'attirer les personnages étranges autour de lui. Parmi ceux-là sont à noter Jimmy Novak, peintre aux instincts vampiriques qui a disparu et Mercury, une jeune femme de plus de quatre-vingt ans qui ne vieillit qu'un an sur quatre. Randy est barman à Penlocke. Il ne sait ni d'où il vient ni qui sont ses parents. Ni surtout pourquoi cette cité existe, seule au milieu du désert, sans que ses habitants puissent en sortir, bien que des commerçants venus de Kaguesna passent la visiter de temps en temps. Lui aussi rencontre des gens bizarres, comme ce chinois à la peau blanche et aux pouvoirs étonnants ou la mystérieuse tueuse psychopathe qui déchiquette ses victimes. David Fox habite où il le veut, au rythme qu'il souhaite. Il est immortel et immensément riche. Il a un pied-à-terre à Montréal, mais il vit plus particulièrement à Londres, où travaille la seule femme qui partage avec lui l'étrange vision d'une Cité qui n'existe que dans sa tête et dont il ne connaît que le nom : Kaguesna. Et puis, un peu partout traîne Stick, androgyne qui a le pouvoir de voyager entre les mondes et qui parcourt les Cités en passant par l'Eau Noire, à la recherche de sa famille disséminée.
Un Univers complet et cohérent
Moins noir et moins gothique que le précédent, ce second tome n'en est que plus passionnant. Natasha Beaulieu a une capacité incroyable de donner vie à des personnages en quelques phrases, de les rendre humains et attachants. Revisitant sans vergogne les mythes, après avoir traité du vampirisme dans L'Ange Ecarlate, elle s'attache ici à nous présenter sa vue très personnelle de l'immortalité, des contraintes et des avantages d'une telle condition sur la vie des – heureux ? - bénéficiaires et de leur entourage. Ses personnages pourraient parfois ressembler à des stéréotypes : le milliardaire immortel, le vieux flic intègre ou la femme-féline mortelle. Mais le texte est si bien tourné que le lecteur entre dans le jeu et ne ressent aucune impression de déjà-vu. Au lieu de cela, le lecteur a l'impression floue d'avoir appris quelque chose, de faire des découvertes au-delà des mots et de l'histoire. Pour partie policier, parfois fantastique, toujours aventure humaine, ce livre nous emporte ailleurs, dans une frange intangible entre les mondes. L'écriture de l'auteur participe aussi de cette atmosphère impalpable. Précise et claire, elle nous porte en avant. Pour le lecteur métropolitain, l'accent et les tournures typiquement québécoises amènent en plus un exotisme un peu suranné qui ajoute à l'ambiance de ce roman qu'il faut lire à la suite du précédent