L'ange Ecarlate

L'ange Ecarlate

Natasha Beaulieu est Québécoise. Elle écrit depuis longtemps, commençant en tant que journaliste et rédactrice pigiste. Elle a déjà publié plus d'une cinquantaine de nouvelles dont certaines ont reçu des prix au Canada (en particulier La Cité de Penlocke). Elle a développé tout un monde cohérent, peuplé de Cités étranges, au travers de son oeuvre. Ses trois premiers, reliés en un cycle nommé « Les Cités Intérieures », approfondit et enrichit encore cet univers.

A Londres, David Fox vit depuis trois siècles avec une Cité dans la tête. Une Cité envahie depuis peu par des colons qu'il doit chasser. A Montréal, il y a Jimmy Novak. C'est un peintre tourmenté, à la dérive et sans le sou, qui peint des tableaux très noirs mais pas encore assez pour représenter les images qui le hantent. L'Ange Ecarlate, elle, est une Dominatrice sado-masochiste spécialisée dans les scarifications et les incisions.

La rencontre de Jimmy et de l'Ange va les faire tout les deux basculer dans une histoire incroyable, ou amour, sexe, sang et violence participent ensemble à la fusion des deux êtres. Jimmy ne vit plus que d'alcool et de sang – le sien et celui de l'Ange - tandis qu'elle est attiré par lui sans pouvoir s'en empêcher. Autour d'eux, des personnages inquiétants s'agitent et gravitent autour du couple en formation qui semble les intéresser et les perturber. Peu à peu, des bribes de leur histoire se dévoilent, au travers des rencontres et des agressions. Ils découvrent, au prix fort parfois, une partie de leur passé, élément qui peut les aider à essayer de gérer leur avenir.

Un livre au-delà des mots

L'histoire pourrait sembler une simple énième réécriture du mythe vampirique. Pourtant il n'en est rien. La notion de soif de sang n'est qu'un des constituant du puzzle que nous soumet l'auteur. La complexité de l'intrigue (qui va s'étendre sur trois tomes) est immense et les implications de chaque acte ne se découvrent parfois que bien plus tard.

Natasha Beaulieu a une capacité incroyable pour donner vie à ses personnages. Elle nous dévoile en mots simples et directs leurs pensées les plus intimes, sans pudeur mais sans excès. Nous ne les voyons pas simplement vivre et se débattre dans leurs contradictions, nous sommes en eux, vibrant avec eux. Les descriptions aussi sont précises mais distillées par touches, comme une peinture impressionniste qui ne dévoile sa profondeur qu'une fois l'ensemble découvert.

L'écriture de l'auteur québécoise est un régal. En plus d'être claire et directe, elle n'hésite jamais à plonger dans les racines de son pays et à utiliser expressions et verbes typiques qui nous plongent, nous français, un peu plus au coeur du Montréal sombre et gothique qui est décrit dans le roman.

A la fois pour le style d'écriture et pour les sujets traités, ce roman de Natasha Beaulieu renvoie à des textes d'auteurs comme Rudy Rucker, présentant ce même mélange à la limite du malsain, entre drogue, alcool et violence. Mais elle arrive à garder assez de distanciation et d'humanité pour rendre les choses supportables et acceptables.