Elisabeth Vonarburg, qui a été directrice littéraire de la revue Solaris de 1979 à 1990, mais aussi traductrice en français de la plupart des romans de Guy Gavriel Kay (ainsi que de plusieurs Tanith Lee, Marion Zimmer Bradley et quelques autres), et chroniqueuse hebdomadaire pour l'émission Demain la Veille de Radio-Canada, est également l'un des auteurcanadiens francophones de science-fiction les plus renommés, y compris dans le monde anglophone. Elle a à son actif plusieurs recueils de nouvelles, ainsi que des romans récompensés par de nombreux prix : entre autres, Le Silence de la Cité (1981) a reçu les prix Boréal, Rosny l'Aîné, et le Grand Prix de la Science-Fiction Française, Chronique du Pays des Mères le Philip K. Dick Award, Le prix Aurora, et le prix Boréal, et les cinq volumes de la série de science-fiction Tyranaël ont également été largement aclamés...
La tétralogie Reine de Mémoire (dont les deux premiers volumes La Maison d'Oubli et Le Dragon de Feu ont été déjà salués par plusieurs prix, et sont parmi les nominés pour le prochain prix Aurora), est déjà disponible aux trois-quarts, puisque le troisième volume, Le Dragon Fou, est déjà paru. Le quatrième, La Maison d'équité, est prévu pour l'automne 2006.
Trois autres romans sont en voie de publication, Le Dragon des Pierres, Le Dragon des Roses, et La Balance et le Sablier.
Jiliane et ses deux frères, Pierrino et Senso, ont un lien d'une force peu commune. Le fil d'or qui les relie leur permet d'avoir conscience les uns des autres, mais il les frappe aussi cruellement s'ils tentent de s'éloigner les uns des autres, parce que leurs parents décédés ont choisi ce moyen pour être sûrs qu'ils veilleront les uns sur les autres. Dans la France de 1766 dominée par le culte géminite, et plus particulièrement dans la maison aisée et pleine d'amour de leurs grands-parents, un tel handicap est surmontable... Mais si Jiliane est indissociable de ses frères, les trois enfants sont extrêmements différents, et les aventures que recherchent les deux aînés sont rarement du goût de la cadette. Ils vont grandir dans un monde dont ils vont peu à peu s'approprier la complexité et les interdits, dont les plus lourds semblent être ceux qui pèsent sur l'histoire de leur famille et surtout sur là-bas, un lieu mystérieux et jamais nommé, où leurs ancêtres ont vécu...
Où tout n'est qu'ordre et beauté...
Elisabeth Vonarburg peint à travers ces trois récits initiatiques une chronique familiale lente et tranquille comme on en a peu vu en science-fiction, dressant avec sensibilité les portraits des trois enfants et des adultes dont ils découvrent peu à peu le monde, le comprenant fréquemment de travers, puis corrigeant leurs erreurs quelques années plus tard. Mais cette vision parcellaire, mal digérée, isolée en cette petite ville paisible loin du tourbillon de la politique, est la seule fenêtre du lecteur sur leur monde, et il ne le découvre qu'en même temps qu'eux, même s'il devine qu'il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg. Cette diffusion des information au compte-gouttes, si elle peut s'avèrer un peu frustrante par moments au lecteur habitué à de plus prompts éclaircissements, entretient en fait l'intérêt de bout en bout, soutenu par la qualité de l'écriture et la maîtrise de son récit que démontre Elisabeth Vonarburg. Si l'action et les péripéties ne sont pas absentes, non plus que l'originalité du monde, c'est néanmoins à travers ses personnages qu'elle fait le plus vivre son récit, une approche qui n'est finalement pas si fréquemment employée dans des récits de fantasy...
Les deux premiers volumes de Reine de Mémoire se révèlent prenants, voire envoûtants, mais laissent posées une multitude de questions. On ne peut qu'espérer que la suite sera du même calibre...