Le Pays du bout du lit
Alexandre Révérend exerce ses talents dans plusieurs domaines. Auteur-compositeur, il a enregistré quatre albums de chansons et a écrit une comédie musicale en 1985 à partir des partitions originales d'Alice au pays des merveilles qu'il a retrouvées à Oxford. Il connaissait parfaitement l'univers du Pays des merveilles puisqu'il a traduit le texte de Lewis Carroll pour la prestigieuse collection La Pléiade. Il est également scénariste de films d'animation pour la télévision : Les Rois et les Reines, Drôles de petites bêtes. Dans ses deux précédents livres, il a exploré le monde magique des bonbons (Les Bonbecs, en collaboration avec Anne Rozenblat) et celui des cours de récréation (Ferme ta boîte à camembert : le langage de la récré, coécrit avec Camille Saféris). Le Pays du bout du lit est son premier roman.
Un labyrinthe blanc
Côme est hospitalisé parce qu'il est atteint d'une grave maladie. Il a du mal à trouver le sommeil : demain, il doit subir une opération et le docteur Bec qui le traite comme un enfant incapable de comprendre quoique ce soit, n'est pas très rassurant. Heureusement, il y a mademoiselle Alice, une infirmière souriante et douce. Et puis, il y a cet intriguant couloir au fond du lit que Côme a découvert cet après-midi. Il décide de poursuivre son exploration et se retrouve après une longue glissade dans une étrange contrée faite de tissu blanc peuplée de fantômes. L'aventure commence, Côme aura besoin d'astuce et de sagacité pour répondre aux questions qui l'assaillent au fur et à mesure de sa progression dans ce pays : est-il déjà venu ici ? À qui peut-il faire confiance? Qu'est devenu son nombril ? Pourquoi les ombres ne sont pas toutes de la même couleur ? Comment ressortir ?
A lire de préférence en famille
Comme dans la publicité, les héros des livres pour la jeunesse sont majoritairement bien portants, éclatants de santé. Le premier mérite de ce roman est de mettre en scène un personnage malade face à l'angoisse de la mort. Cette histoire peut donc être l'occasion d'aborder avec un enfant malade ses sentiments face à son traitement. En plus, en faisant mine de coincer son personnage à la fin de la seconde partie, puis en le tirant d'affaire dans la troisième, l'auteur incite ses lecteurs à ne pas baisser les bras, à se battre.
L'univers inventé par Alexandre Révérend est assez inédit, même s'il présente un air de famille avec celui d'Alice au Pays des merveilles. On s'attache immédiatement au doudou, gardien de la sortie, borgne et désespéré d'avoir été séparé de son ancien propriétaire. L'auteur a su matérialiser sous des formes compréhensibles (fantômes, fête foraine, volcan en guise de rampe de lancement pour les âmes à naître) le cycle de la vie et de la mort. Mais il a seulement mis en scène la théorie de la métempsychose (réincarnation); là encore cela nécessite une discussion avec un adulte pour appréhender d'autres conceptions de la mort.
Enfin, un personnage reste ambigu : celui du condamné à mort américain qui ne tue que si trois conditions sont réunies, comme si ces crimes étaient excusables, voilà encore une raison pour ne pas laisser un enfant seul face à ce livre. Agrémenté d'illustrations sages et sereines, cet étonnant livre invite les jeunes lecteurs au dialogue à propos de la mort.