Le Chant du Drille

Le Chant du Drille

Ayerdhal est né en 1959. Lauréat du Grand Prix de l'imaginaire 1993 avec Demain, une oasis, du Prix Ozone 1997 avec Chroniques d'un rêve enclavé et du Prix Tour Eiffel 1999 avec Etoiles Mourantes (co-auteur, Jean-Claude Dunyach), il publie Le chant du Drille en 1992. Il est également, entre autres, l'auteur de L'œil du Spad, La bohème et l'ivraie et Mytale…

Enquête écologique

Lodève est inspectrice générale des colonies. Lorsque son ancien amour, Vernang, écrivain et sauvageon à sa façon, lui envoie ses notes sur Tahéni, une planète nouvellement habitée, elle ne peut refuser de partir : tout d'abord, elle garde une profonde fascination pour Vernang et le sujet qu'il défend la passionne. En effet, sur Tahéni vivent et meurent prématurément les habitants d'origine : de petites créatures, animaux humanoïdes aux allures de lémuriens, dont tout le monde se demande s'ils ont une intelligence proche de celle des hommes. En attendant que l'on résolve ce mystère, lié au système de la planète défigurée toute entière, ils s'amassent aux portes des cités, se laissant mourir et poussant à la dépression les colons.

Très bon

Tout d'abord, il faut savoir que le chant du drille peut se ranger, effectivement, du côté des romans écologiques. Véritable ode à une planète qui ressemblerait à Gaïa, vivante et mystérieuse, le roman d'Ayerdhal peut pécher parfois par son côté revendicateur mais jamais par son style ni son intrigue.

Les lenteurs sont nombreuses, néanmoins, et pour cause : il s'agit là d'un mystère à élucider, comprenant tout de même des données difficiles à appréhender. Connaissance d'un système gouvernemental, maîtrise d'un écosystème propre à une seule planète, établissement de nouveaux repères humains…Tous ces éléments figurent dans la liste des ingrédients d'un bon roman de S-F. Or, Ayerdhal n'a pas pris le parti de l'aventure. Il aurait été facile, dans ce cas, d'amener par petites touches les informations nécessaires.

Le chant du drille n'est donc pas un roman d'aventure mais un roman d'ambiance. Le personnage principal, Lodève, n'est d'ailleurs pas une femme d'action au sens propre du terme. Muée par ses passions et son intelligence, elle finira par s'apercevoir que ses bouleversements ne s'inscrivent jamais dans l'aventure pure, en même temps que le lecteur.

Il n'y a d'ailleurs pas de mystère à proprement parler. Ce monde s'exprime par la sensation. Les hommes y déambulent, transparents. Les personnages secondaires aussi, de telle façon que seuls les drilles constituent un élément d'intrigue.

En humains, on se promène également dans le chant du drille comme dans un rêve, à peine touchés par les dialogues pourtant percutants et les passages de pure intrigue. On en sort un peu hébétés par ce qu'on a reçu de prise de position écologique, d'onirisme et de froideur.

C'est donc un roman étonnant, familier qu'Ayerdhal avait présenté comme première œuvre. Suggérant un système totalitaire d'anticipation plus que le montrant, l'auteur ne dénonce pas une société, ni même l'homme. Il y parle surtout de nature et de nature humaine, ce qui reste déroutant dans le monde la S-F française…

On peut parler ici de roman à effet latent. Comme Jean-Claude Dunyach, Ayerdhal n'utilise jamais de grands coups d'éclat pour impressionner son lecteur. Il ne lui fait pas non plus la morale, n'utilise pas les clichés habituels, ne dispense pas son avis sur le bien et le mal.

Il s'immisce en lui, en s'appuyant sur les principes même de la nature humaine, pour lui laisser la sensation diffuse que son monde s'est inséré en lui et y fait un lent travail de transformation.