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Nuits Éternelles

Neil Gaiman (Scénariste), Glenn Fabry (Dessinateur), Milo Manara (Dessinateur), Miguelanxo Prado (Dessinateur), Frank Quitely (Dessinateur), Bill Sienkiewicz (Dessinateur), Barron Storey (Dessinateur), P. Craig Russell (Dessinateur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/01/04  -  BD
ISBN : 2847893989
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Anne   - le 31/10/2017

Nuits Éternelles

Après La Saison des Brumes (Sandman – 4), prix du meilleur scénario au festival d’Angoulême 2004, Delcourt publie le onzième tome de Sandman (deuxième traduit en France), ce qui est une véritable bénédiction, et ce pour deux raisons. La première est que la version anglaise, au verbe si riche, est difficile à comprendre pour le lecteur lambda et la seconde, c’est que je vais pouvoir arrêter de me lever la nuit pour caresser le premier tome paru, mon préciiiiieuuuux…

Gaiman pousse à la fan attitude ; certains ont pu être déçus par Stardust, fantasy gentillette et poétique, d’autres par American Gods qui a marqué un véritable tournant dans son écriture, après Neverwhere et Miroirs et fumées… Mais dans l’ensemble, on reconnaît et on acclame. Et pour cause…

Sandman est sans doute son œuvre la plus aboutie et la plus sombre ; Dream, le marchand de sable, évolue dans un monde gothique, délirant et cruel. Celui des rêves. Sortir ce onzième tome avant les autres (que l’on peut tous lire indépendamment) est une excellente idée : il présente Dream et ses frères et sœurs, afin que le lecteur puisse entrer, par la suite, dans leur intrigue d’arrière plan.

Les frères et sœurs éternels


Death, Destiny, Despair, Delirium, Desire, Destruction… Les frères et soeurs Eternels de Dream ont chacun leur hommage, sous le crayon de sept illustrateurs différents. Toutes leurs histoires marquent et pour cause… Si Gaiman maîtrise bien quelque chose, ce sont les symboles et les allégories. Spécialiste des noms de héros significatifs (Porte de Neverwhere, Ombre d’American Gods…), il lâche la subtilité du récit narratif pour entrer dans celle de l’image, que sa carrière de scénariste a su si bien développer. Les pages consacrées à Despair restent les plus étonnantes et les plus graphiquement exquises : quinze pages dessins, collages, tableaux, expressions du désespoir… Quel auteur aurait pu illustrer le mieux le désir que Manara ? Pour le grand public, en tous cas, personne…

Un trait pour un trait

Au-delà de ces deux épisodes marquants, il faut reconnaître que Gaiman sait s’entourer ; tous les illustrateurs de ce recueil sont des maîtres.
Parfois, il faut bien le dire, les mots précis manquent au plaisir. Il y a chez Gaiman un au-delà que nous serions bien en peine d’exprimer. Une utilisation des idées reçues et images classiques, une précision qui fait du support graphique une ligne simplement parfaite. Entrer dans Sandman correspond à un voyage périlleux ; être face à Gaiman, souvent, c’est être face à l’indicible acceptable. L’insupportable hypernormal. Une réflexion à peine appuyée sur l’homme et ses névroses, sublimée par l’héroïsme. Le destin. Gaiman est un obsédé des portes, de la croisée des chemins. Il y a toujours, dans ses œuvres, une frontière bien distincte entre la réalité et la fiction, que le lecteur traverse non sans encombre. Dans Sandman, cette ligne devient aussi fine et coupante qu’une lame… Une poésie désenchantée, également, et terriblement dans notre temps. C’est là, sans aucun doute, son effet le plus efficace et ce qui justifie le grand succès de la série.
Il y a effectivement, chez Gaiman, quelque chose de sauvage et de raffiné, un marasme grouillant de peur et de violence derrière une porte à un seul gond. Si vous ne vous êtes pas jetés sur ce tome 11, si vous n’avez pas sauvagement agressé votre libraire parce qu’il ne l’avait pas encore reçu, tous les espoirs sont permis… Vous êtes sans aucun doute civilisés… Mais pour combien de temps ?

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