Cauchemar
Brian Michael Bendis est un scénariste doué et reconnu par ses pairs. Bien qu’il ait déjà été auréolé l’année dernière du prix Eisner Awards du meilleur scénariste, le festival Comic-con, qui se déroule du 22 au 25 juillet 2004 à San Diego, lui ouvre à nouveau ses portes pour cette fois cinq nominations. Le seul qui cette année en obtienne autant est Greg Rucka. Il a également été nominé pour le prix du meilleur album à Angoulême en 2004 pour les tomes 4 et 5 de
Dardevil chez Panini dans la collection 100% Marvel. Il collabore sur cette série avec Alex Maleev avec lequel il a notamment repris la série
Sam et Twitch (Semic). Sa série
Powers (Semic), dont les dessins sont d’Oeming, a été nominée, quant à elle, en 2003 pour l’Alph Art du dialogue et de l’écriture. La même année
Torso (Semic) qu’il réalise avec Andreyko est nominé pour l’Alph Art du meilleur scénario. Autant dire que Bendis est une pointure du comics et que son talent n’est plus à démontrer. Il retrouve pour cette histoire en deux tomes David Mack, auteur de la série
Kabuki (Génération comics).
« Timmy… si on réalisait notre propre comic book ? » Le jeune Timmy est frappé de mutisme depuis qu’il a vu se battre Dardevil et son père le Triton, avant que celui-ci ne disparaisse. Le journaliste Ben Urich, reporter au Daily Bugle, mène l’enquête afin de savoir ce qu’il a exactement vu et qui aurait pu déclencher une telle réaction. Dardevil a-t-il commis l’irréparable ? L’enfant a-t-il participé de près ou de loin à l’altercation ? Patiemment, il recueille les dessins de Timmy pour entrevoir la vérité et faire enfin sortir l’enfant de sa torpeur.
Quand le comics de super héros atteint l’âge adulte C’est une évidence, certains auteurs marquent de leur sceau des séries dont les personnages sont devenus des cadres dans lesquels ils peuvent s’essayer à l’exercice de style. Frank Miller avait donné ses lettres de noblesse au personnage de Dardevil. Bendis relève le défi avec le scénario trouble et abouti de
Cauchemar.
Disons tout de suite que Dardevil n’intervient pas beaucoup dans ce second tome, il s’éclipse au profit du journaliste Ben Urich qui tente de percer le mystère du mutisme de Timmy. L’action est toute psychologique, si l’on peut dire, et Bendis nous entraîne dans les méandres de l’esprit torturé d’Urich qui est le narrateur de cette histoire. En suivant le récit, on prend conscience qu’il y a plusieurs niveaux de narration, au moins trois. Les souvenirs des personnages se superposent, s’additionnent pour que la vérité éclate, et quelle vérité ! Les histoires personnelles, les vies de Timmy, Ben et Dardevil se mêlent pour enfin se répondre dans un dénouement sans parole, seuls les dessins offrent la clef du récit. Mise en abyme du superbe travail réalisé par David Mack qui mélange les styles afin de livrer une narration graphique qui colle au plus près du scénario. L’utilisation de diverses techniques lui permettent de souligner le changement de narrateur tout en finesse sans besoin de dialogue. Ainsi lorsque l’histoire est racontée du point de vue de Ben, Mack se fait peintre et colorise ses cases à l’aquarelle, puis la narration bascule et les dessins au pastel gras nous ouvre les portes de la pensée du jeune Timmy. Si la composition est éclatée, déstructurée, le comics garde pourtant une entière lisibilité. Mack use de tous les outils qu’il a à sa disposition, du collage au feutre, avec une inventivité renouvelée et cela donne un relief particulier à ce comics. On comprend pourquoi Marvel France a choisi de le publier dans sa collection Prestige.