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Dead End Street

Christian de Metter (Dessinateur, Scénariste), Thomas Benet (Scénariste)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/07/04  -  BD
ISBN : 2845658621
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Eric   - le 31/10/2017

Dead End Street

– "Toi qui t'y connais en rock, on a une BD pour toi." M'a dit le chef.
– "OK" que je lui réponds, d'emblée sceptique parce que je sais d'expérience que le rock s'hybride mal (ou alors c'est moi qui suis trop exigeant). "Et ça s'appelle comment ta BD?"
–"Swinging London" qu'y me répond le chef.

Aïe ! Pas de bol ! Pour ainsi dire ma spécialité, soit-dit sans me vanter… mon scepticisme en remonte d'autant.

Swinging London, voilà un titre bien ambitieux tant l'expression est galvaudée. Notez, c'est prendre au fond bien peu de risque car au juste, que sont sensés savoir les critiques de BD de cette glorieuse époque de la pop culture ?

On pouvait donc craindre le pire, l'accumulation de clichés, mais le choix de sous-titrer ce premier tome Dead End Street est d'emblée encourageant. Single magique des Kinks tiré de Face To Face, assez connu pour ne pas faire pédant et éveiller l'intérêt des amateurs, et suffisamment obscur pour donner tout son sens à la référence.

Tout commence donc le 27 août 1967, nous dit-on. Tiens c'était un dimanche, que je me dis immédiatement. Pas que j'ai la science infuse mais c'est la date de la mort de Brian Epstein, le manager des Beatles, qui avait cassé ses bretelles un dimanche pendant que ses poulains, accompagnés du tout Londres, faisaient les guignols à Bangor – Pays de Galles – avec le Mahareshi Mahesh Yogi.

Mais c'est sur un autre indien que s'ouvre l'intrigue de ce premier tome.

Indranath Ray est le medium le plus en vue de cette jet set lysergique. Un coup de fil en pleine nuit l'informe que Jasper Brown vient de mourir brûlé vif dans son château en Ecosse. Chanteur des Queen Bees, pop star très en vue, et très droguée, Brown était son ami, et d'emblée Ray ne croit pas à la thèse du suicide évoquée dès le lendemain par la police. D'autant moins qu'il reçoit par la poste le film super 8 d'une partouze sulfureuse, expédié par le chanteur lui-même la veille de sa mort.

Cassandra Jones, une jeune journaliste d'origine jamaïcaine, apprend de son côté, que la star s'apprêtait à saborder les Queen Bees, ce que ni Manners ni Peterson, le guitariste et le manager du groupe n'étaient disposés à le laisser faire.

Très vite, les deux pistes se rejoignent, et l'un comme l'autre sentent qu'ils viennent de mettre le doigt dans l'engrenage d'une très, très grosse machine.

On aurait pu s'attendre à un graphisme plus flamboyant pour une époque aussi acidulée, et c'est vrai que de prime abord le style de Christian De Metter vous bouscule un peu. Mais ce crayonné brut qui donne vie à ses lavis de couleurs vous gagne peu à peu. Et finalement, on est raccord. Le dessin très arty de De Metter et le scénario qu'il a co-écrit avec Benet, nous entraîne à merveille dans ce Swinging London parfaitement rendu. Le choix de cette année 67 est judicieux car c'est une année charnière, où le rêve va peu à peu tourner au cauchemar.

Alors certes nous n'en sommes encore qu'aux prémices. On se retrouve avec un sosie de Brian Jones qui meurt le même jour que Brian Epstein, le gars était marié avec un carbone de Marianne Faithful, et managé par le petit frère de Peter Grant. Pour corser le tout il était fan d'Aleister Crowley, comme Jimmy Page, et pratiquait la magie noire comme Graham Bond. Autre aspect intéressant, ce choix de protagonistes issus des deux plus grosses communautés immigrées de Londres, qui nous montre dans toute sa brutalité une société encore très raciste. Mais que l'on ne s'y trompe pas. S'ils émaillent leurs pages de références qui vont ravir les connaisseurs, ils ne sacrifient jamais l'intrigue de ce qui s'annonce être un polar déjanté, prenant pour toile de fond une des dernières périodes de notre histoire où tout était possible.

Cette "impasse" que nous emmène visiter De Metter, promet de déboucher sur des ruelles plus obscures encore. A suivre avec intérêt…

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