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Ne touchez à rien

Noël Simsolo (Scénariste), Frédéric Bézian (Dessinateur, Coloriste)
Aux éditions : 
Date de parution : 30/11/04  -  BD
ISBN : 2226155295
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charlotte   - le 20/09/2018

Ne touchez à rien

Noël Simsolo est avant un tout un amateur de polar, genre dans lequel il exerce sa plume : il a notamment écrit deux aventures du Poulpe, Les Sept Poules de Christelle et Un Travelo nommé désir. Mais en véritable touche-à-tout, il a multiplié les expériences : tour à tour réalisateur, journaliste, critique de cinéma, écrivain pour enfants et aujourd’hui scénariste de bande dessinée. Pour la jeunesse, il a récemment publié le troisième tome d’Edgar Flanders, détective de l'étrange (Seuil jeunesse) un hommage à Jean Ray.

Frédéric Bézian, né en 1960, exerce sa plume dans les fanzines avant de décrocher une publication dans la revue Djin chez Bayard à seulement 17 ans. Pendant trois ans, il va suivre les cours de l’Institut Saint Luc de Bruxelles avec notamment comme professeurs François Schuiten et Claude Renard. Son premier album, L'Etrange Nuit de Monsieur Korb, sort en 1982 chez Magic Strip, suivi de près par son deuxième, Martine, Gisèle, Josiane (Futurolpolis) et Fin de siècle, chez le même éditeur. Il commence à se faire véritablement un nom dans le milieu de la bande dessinée avec sa trilogie, qui d’ailleurs a failli ne jamais voir le jour, Adam Sarlech publiée à partir de 1989 et qui se termine quatre ans plus tard. Le revoilà donc pour ce one-shot en compagnie de Noël Simsolo.

« Dans une rue paisible du quartier résidentiel… Un hôtel particulier semble en retrait du temps »

Les anciens propriétaires d’un magnifique hôtel particulier de Bordeaux étaient amateurs de taxidermie. Leur dernière volonté est de laisser leur cadavre empaillé dans le jardin d’hiver devant la fenêtre en face de leur étrange baobab et que toute la maison reste propre et en l’état. Tous les nouveaux locataires devront donc se plier à cette règle fantaisiste. Règle qui n’est pas du tout au goût du premier d’entre eux, Monsieur Charbert, un gros négociant en vin, qui déménage d’emblée les deux trépassés dans la cave. De curieux événements surviennent alors. La deuxième locataire, une jeune artiste peintre sera-t-elle plus sensible aux charmes des momies ?

Une histoire déroutante et fantastique habitée par le trait sans concession de Bézian

L’histoire de Ne touchez à rien se compose en fait de quatre courts récits avec comme personnage principal la maison que l’on suit à différentes époques, de 1890 à 1999. Les histoires débutent toujours de la même façon, la même phrase et les mêmes vignettes pour l’entrée en matière. Ainsi, les deux premières planches sont systématiquement identiques à la case près : plan large sur le port, puis sur la maison, puis sur la porte avant de passer à la deuxième planche où se trouvent une longue vignette horizontale présentant la porte d’entrée avec en voix off « Notre [xième] histoire commence ce jour du mois de mai », puis trois vignettes en cadre serré sur le loquet et enfin le garant du testament, le futur locataire et pour finir son entrée dans l’hôtel. Ces répétitions avec d’infimes changements à chaque nouvelle ouverture scandent la narration, impriment le passage du temps tout en accentuant en contre-point l’intemporalité de la demeure. Une demeure dont les anciens propriétaires, maintenant empaillés, trônent dans le jardin d’hiver, apparemment à jamais figés. Les locataires se succèdent et selon leur attitude vis-à-vis des deux momies, ils disparaissent ou font corps avec l’inébranlable bâtisse.

L’angoisse naît du trait si tranchant de Bézian, qui n’est pas sans rappeler parfois le dessin de Comès, de ses couleurs tristes et sombres, de ses visages si pâles. Les balades nocturnes à l’intérieur de cette maison labyrinthique et à l’extérieur, dans les bas-fonds de Bordeaux qui ne le sont pas moins, terrorisent le lecteur grâce à la composition souvent elliptique du dessinateur. L’ellipse est en effet au cœur de l’album, les auteurs préfèrent de loin suggérer que montrer, revenant ainsi aux sources même du fantastique. L’étrangeté du récit réside avant tout sur ce non-dit qui laisse le lecteur libre de son interprétation, tout en le plongeant dans une inquiétude troublante face à cet exotique baobab. L’arbre semble lié à tous ces surnaturels événements, ainsi qu’à l’éternité de l’hôtel particulier et de ses habitants. Un album plus inquiétant que frissonnant, plus angoissant que terrifiant, à lire le soir, seul et avec une lumière tamisée.

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