charlotte
- le 20/09/2018
La Décroisade
Pierre Gévart est né en 1952 dans le Nord de la France. Agrégé en sciences naturelles, énarque, il mène parallèlement à sa carrière de haut fonctionnaire, une carrière d’écrivain. En 2001, il reçoit le Prix Infini pour sa nouvelle Comment les choses se sont vraiment passées. Auteur de pièces de théâtre et de romans, ses deux ouvrages Les Orages de Jouvence et La Décroisade sont publiés coup sur coup en format papier par les éditions Eons.
Avis de tempête entre les différents religions monothéistes
Six cents ans après son départ, le cardinal Alvin Aaleigh revient sur Terre à bord du Saint Ampoule accompagné d’un Scranxien, une race extraterrestre intelligente monothéiste. Sans avoir eu le temps d’atterrir, il est attaqué par des vaisseaux martiens contrôlés par des Protestants. Ce sont les Musulmans qui, à son grand étonnement, les sauvent. En six siècles, la Terre a changé, la planète bleue est devenue un monde aride et sec et presque naturellement, cette soudaine sécheresse a favorisé le développement de l’Islam. Le Cardinal des Etoiles découvre que la chrétienté a non seulement été détrônée par les fils de Mahomet, mais qu’en plus le Pape est désormais appelé Al Abbas et qu’il n’est qu’une marionnette sans pouvoir. Il est grand temps de ré-évangéliser ce monde et de lancer une nouvelle croisade.
Au même instant, Sagaï, vieux lui aussi de six cents ans, arrive sur Terre. Sans souvenirs, il fausse compagnie à son compagnon et se lance à la découverte du désert terrien. Son chemin croise celui d’une femme qui parvient à le convaincre qu’il n’est autre que celui que tous les Chrétiens attendaient, le nouveau messie.
Un titre très bien trouvé pour un roman de qualité mineure
Pierre Gévart propose avec La Décroisade une réflexion sur les liens tendancieux entre religion et politique. A aucun moment il ne parle du sacré, se bornant à décrire un monde sans aucune spiritualité assujetti à des politiques plus qu’à des croyances en tant que telles. Avec une écriture sobre, parfois trop, il croise le destin de Sagaï et du Cardinal Aaleigh, deux personnages propulsés hors de leur époque, qui appartiennent définitivement à un autre temps. C’est pour cette raison qu’ils se retrouvent plus ou moins obligés de faire alliance, dans un premier temps contre les Musulmans, avant que d’autres forces en présence ne se dévoilent lentement. Si les idées de départ sont judicieuses et assez tentantes, Gévart ne va pas assez loin dans l’analyse. Le manque de solutions ou du moins de réelle profondeur brise un peu l’illusion de la pertinence du récit. La brièveté du roman, 200 pages, ne permet pas à l’auteur de poursuivre une vraie réflexion. Tout ceci n’est que prétexte à un decorum kitsh à l’image de la couverture. On se demande même si l’introduction du Scranxien, un extraterrestre à mandibules, tient de la parodie ou non. Un roman qui n’est au final pas franchement abouti donc, mais reconnaissons lui au moins le mérite d'être divertissant.
En plus du roman de Gévart, vous pourrez trouver la nouvelle de Guillaume Suzanne intitulée Le Livre ultime qui ne nous est pas étrangère. Outre le fait qu’elle ait gagné le Prix Infini 2004, son auteur nous l’avait envoyée pour le concours annuel d’ActuSF. Et si nous ne l’avions pas retenue dans le trio gagnant, nous sommes sincèrement heureux qu’il ait enfin été publié.