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L'Hypothèse du lézard

Paul di Filippo ( Auteur), Patrick Marcel (Traducteur), Alan Moore ( Auteur), François Peneaud ( Auteur), Laurent Queyssi ( Auteur), Steve Bissette ( Auteur), Johan Scipion ( Auteur), Pascal Blatter ( Auteur), Raphaël Colson ( Auteur), Sébastien Hayez (Illustrateur de couverture), André-François Ruaud (Anthologiste)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/05/05  -  Livre
ISBN : 2915793069
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Eric   - le 27/09/2018

L'Hypothèse du lézard

Alan Moore possède l'étrange pouvoir de provoquer chez ses fans une sorte de transe rédactionnelle. Un moyen comme un autre de méditer sur l'incroyable densité de son œuvre. Car Alan Moore n'est pas seulement le scénariste de comics le plus doué de sa génération. Il est aussi, et surtout, celui qui a propulsé le genre vers un firmament auparavant insoupçonnable.

Lui qui a toujours professé son attachement presque exclusif aux comics s'est pourtant essayé à la littérature. A défaut de voir publier en français son premier roman, Voice Of Fire, l'idée de pouvoir se mettre sous la dent ses premiers pas de novelliste était alléchante. D'autant plus alléchante que c'était là l'initiative des Moutons Electriques, la toute jeune maison d'édition montée par l'inoxydable André-François Ruaud, et qui, outre des choix éditoriaux forts, prend résolument le parti de l'élégance esthétique en sortant des canons habituels et un peu post-ados des collections spécialisées. Voilà qui nous change agréablement des vomitives couvertures d'Ailleurs et Demain, et des horreurs post AD&D de Bragelonne.

Toutefois, c'est une déception.

Premier constat, on frôle la publicité mensongère. Pour apprendre que cette Hypothèse du Lézard n'est qu'une courte nouvelle, ne remplissant qu'un tout petit quart du présent volume il vous faudra lire attentivement la quatrième de couverture ou vous référer à ce très discret "suivi de essais, hommages, appréciations & entretiens" qui figure en page de garde mais que Ruaud n'a pas jugé utile de remettre en couverture. Pour les trois quarts restants, on aura donc plutôt affaire à un essai. Le chafouin agacé pourra même parler d'essai d'essai. Entre une biographie ultra détaillée, mais qui n'apprendra rien de neuf aux fans, deux interviews de Moore lui-même (la première assez anecdotique, la seconde nettement plus roborative), et plusieurs exégèses de ses œuvres qui vont de l'intéressant à la franche pignole, celui qui n'est pas un admirateur inconditionnel du Raspoutine de Northampton risque de l'avoir un peu amère de voir son budget vacances ainsi amputé de 18 euros. Car on est ici dans le livre pour initiés. Simples amateurs s'abstenir.

Ne reste au final que cette curiosité initiale qui nous vaut cette débauche herméneutique : une nouvelle signée Alan Moore. Ce qui risque de vous occasionner bien des déceptions. Car le bonhomme n'est pas, et loin s'en faut, l'écrivain que l'on espérait. Cette courte histoire d'amour destructeur n'est qu'une demi-réussite. Certes, l'originalité de sa fantasy est suffisante pour vous emporter. La sensualité de son univers est envoûtante. Mais ce genre de performances, Moore l'a déjà accompli des dizaines de fois. C'est même sa marque de fabrique. Ce qui fait de lui le meilleur dans sa spécialité. Pour ce qui est du style, force est de constater que c'est très moyen. Sa prose est pataude, maladroite à force de trop systématiquement rechercher l'effet. L'usage presque systématique de figures de style lourdes infantilise son écriture et tend à ruiner la puissance de son imaginaire à force de redondance.

C'est finalement rassurant de se dire que même Alan Moore peut ne pas réussir parfaitement tout ce qu'il touche. En tout cas, ça décomplexe. Quoiqu'il en soit, à moins d'être un servant du culte, que From Hell soit votre bible et les Watchmen votre évangile, L'Hypothèse du Lézard est très largement dispensable.

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