Chasseurs de Chimères

Chasseurs de Chimères

En seulement deux séries dont une terminée, Garulfo, Ayroles s’est taillée une excellente réputation de scénariste. Chaque nouvel album qu’il écrit contient son lot de rebondissements, d’aventure et d’humour. Cet ancien élève des Beaux-Arts d’Angoulême section bande dessinée a appris son art de conter durant les parties de jeux de rôles qu’il fréquentait régulièrement. Aujourd’hui, il travaille avec son compagnon de route Maïorana à une nouvelle série, un récit de vampires à l’époque victorienne. En parallèle, il écrit le scénario d’un one-shot se déroulant en Irlande au temps des Vokings et poursuit son projet personnel entrepris depuis des années, L’Âge des Chiens.

Rencontré sur les bancs des Beaux-Arts d’Angoulême, Jean-Luc Masbou a créé avec Ayroles le jeu de rôles Contes et Racontars. C’est naturellement qu’il met en planches l’univers dans De Cape et de Crocs. Une belle récréation pour cet animateur de dessin animé qui a, en outre, publié son premier scénario avec L’Ombre de l’Echafaud dessiné par Cerqueira.

« - Réglons cette affaire à la rixme.
    - Qu’est-ce cela ?
    - Un duel.
    - Au premier sang ?
    - Au dernier mot. »

Nos deux héros, Messieurs de Maupertuis et de Villalobos, sont désormais au service du souverain lunaire. Une mission de la plus haute importance leur est confiée : retrouver le Maître d’Armes afin qu’il contre-carre les projets de despotisme et de coup d’Etat du Prince Jean dont le retour inquiète le Parlement. Pour ce faire, le périple sera long et dangereux. Il faudra à nos gentilshommes émérites et aventureux affronter de nouveaux dangers. Avant d’atteindre la Face Cachée de la Lune, lieu étrange et inconnu, ils devront s’essayer à la rixme, traverser la Mer des Humeurs, retrouver de vieilles connaissances et braver mille autres périls.

Quand le 9ème Art est le lieu de rencontre de tous les autres

Suite des aventures des deux gentilshommes bretteurs et rimeurs que sont de Maupertuis et Villalobos, Chasseurs de Chimères ne déroge pas aux règles de la série : humour, brio, panache, péripéties, poésie, fable, théâtre et cinéma. Ce dernier tome est dédié à l’acteur Guy Delorme (qui le préface) dont la trogne a servi de modèle à Masbou pour le grand méchant de l’histoire, le Capitan Mendoza.

Toujours aussi inventifs, les auteurs nous gratifient une nouvelle fois de perles comme cette idée lumineuse, et très drôle, de rixme, une joute verbale rimée que seul Maupertuis pouvait emporter ou ces chimères, animaux fantastiques qui prennent la forme des pires cauchemars. La verve d’Ayroles, et ses alexandrins, sont un régal tout comme les dessins aux détails précieux et imaginatifs de Masbou. Références, parodies, jeux de mots en tous sens, gags en arrière plan, comique de situation, imagination débridée font la force de cette série qui se renouvelle à chaque tome. Et qui émerveille le lecteur, le laisse pantois devant tant de maîtrise graphique et narrative.

Au-delà de la simple balade littéraire ou cinématographique, les références enrichissent la trame du récit, la structurent sans pour autant s’imposer. Jamais une bande dessinée n’aura prouvé de façon plus éclatante que l’érudition peut-être synonyme de fantaisie (fantasy ?) et de divertissement. Des films de capes et d’épées aux Fables d’Esope et de La Fontaine, en passant par les grands romanciers du XIXème siècle ou le théâtre de la Commedia Dell’Arte, les auteurs mélangent les genres et les influences.

Loin de n’être qu’une énumération fastidieuse de références pompeuses, Chasseur de Chimères fait la part belle à l’aventure. A l’enthousiasme des auteurs répond notre plaisir de lecteur. Rebondissements, intrigues, coups fourrés, suspens et révélations rythment ce dernier tome dont on referme l’ultime page avec une seule idée en tête doublée d’une énorme frustration : un an à tenir pour la suite !