Transparences

Transparences

Ayerdhal fait ses premiers pas dans la science-fiction avec deux cycles qui deviendront rapidement des oeuvres importantes : La Bohème et l'Ivraie (quatre tomes) et Mytale (trois tomes). Considéré comme "la nouvelle étoile de la science-fiction française", Ayerdhal enchaînera les romans et les succès. En 1993, il reçoit le Grand Prix de l'Imaginaire pour Demain, une oasis (1991). Depuis, il ne cesse d'écrire : L'Histrion et sa suite, Sexomorphoses, Le Chant du Drille (réédité récemment au Diable Vauvert), son cycle de Cybione (actuellement, quatre volumes ont été édités)...

Ce qui plaît chez Ayerdhal ? Sa plume. Cet écrivain est un vrai conteur, un conteur qui n'a pas sa langue dans la poche. Car ce qu'on aime aussi chez lui, c'est son franc-parler, son honnêteté. À travers ses romans, il aborde les problèmes d'actualité dans un décor futuriste et dénonce les imperfections de notre société. Pas de consensus avec lui ! Et c'est cet esprit "provocateur" que l'on retrouve dans ce nouveau roman, Transparences. Ayerdhal met de côté la science-fiction pour nous proposer ici, un mélange habile de polar et de roman d'espionnage qu'il situe dans un contexte militaro-politico-économique planétaire. Il y dénonce la manipulation et l'influence des grands capitalistes et hommes politiques pour leur propre profit et au détriment du reste de la planète.

Le don de transparence

Ayerdhal a demandé à Roland C. Wagner s'il pouvait utiliser le don de transparence de son personnage "Temple Sacré de l'Aube Radieuse", alias Tem, le détective privé. Un pouvoir qui lui permet de passer inaperçu et de devenir invisible, même au regard de ses amis. Ainsi, les personnes que Tem rencontre, perdent conscience de son existence et finissent par l'oublier. Ayerdhal a choisi de doter de ce don une tueuse en série, qui peut ainsi assassiner à loisir, au milieu d'une foule et ce, sans être identifiée.

Recherche tueuse en série inaccessible

Stephen Bellanger, psychologue et criminologue d'Interpol, se voit confier la charge de consulter tous les crimes en série répertoriés et non résolus depuis un quart de siècle. Le but ? Trouver des rapprochements entre eux. C'est ainsi, que Stephen tombe sur le dossier d'une gamine de douze ans qui a tué ses parents et un couple de leurs amis. Il entreprend de remonter sa trace, et découvre un parcours sanglant.

Cette gamine au fil des années se révèle être une des plus talentueuses tueuses en série, maniant avec art toutes les armes blanches sans exception. Mais le plus invraisemblable reste que cette mystérieuse Ann X semble être transparente ! Personne ne se souvient d'elle et même les caméras de surveillance ne gardent d'elle qu'une image floue. Le dossier Ann X devient prioritaire pour Interpol. Mais, rapidement, derrière ce dossier, Stephen découvre un complot à l'échelle planètaire où CIA, FBI, Interpol et autres services secrets sont tous étroitement impliqués. Le jeune psychologue semble avoir soulevé un bien trop gros lièvre pour lui...

"Profiler" atypique

Ayerdhal axe son roman autour de ses personnages, des personnages au caractère propre et répondant à une logique bien particulière. Tout d'abord, avec son héros psychologue. Stephen est un "profiler" atypique, même si le terme de "profiler" lui déplaît. Il analyse, décortique les moindres mouvements, les moindres paroles prononcées pour décrypter la personnalité des personnes en face de lui. Chacun de ses mots, de ses actes est calculé. Son esprit d'analyse extrêmement poussé en fait un personnage hors normes, mais aussi un homme mal dans sa peau, incapable de s'attacher à quelqu'un.

Puis celui d'Ann X. Mélange subtil entre une Nikita et une Elyia Nahm (Cybione), elle est à la fois victime et agresseur. Personnage ambivalent, elle est faible (ayant subit des violences sexuelles dans son enfance et étant en permanence en fuite), mais aussi extrêmement dangereuse (elle a commis plus d'un millier de crimes en un peu plus de dix ans). Il est aussi difficile de s'attacher à elle que de la haïr. Tel Stephen, le lecteur est mal à l'aise devant cette tueuse sensible.

Maîtrise de l'écriture

Ayerdhal maîtrise de bout en bout son intrigue et ses personnages. Il mène le lecteur avec aisance à travers les différents fils de la trame. Avec pour trame de fond, une réflexion sur le pouvoir et la manipulation des grands capitalistes de notre société, il démontre une fois de plus son art de l'écriture.

Avec ses descriptions des lieux, il réussit à vous donner envie de vous asseoir dans un café pour déguster un croissant et un petit noir. Vous sentez les odeurs d'ail et d'olives et vous vous imaginez mangeant une délicieuse tapenade. Tous les sens sont en éveil à chaque changement de décor et Lyon n'a plus de secret.

Mais si Transparences reste dans son ensemble un bon livre, je ne peux m'empêcher de lui faire quelques reproches. Le côté "psychologie" poussé à l'extrême peut parfois excéder et quelques passages liés à la psychanalyse, étouffent parfois l'intrigue (entre autres, lorsque Stephen suit une analyse et en même temps, analyse son analyste). Chaque page apporte de nouveaux éléments qui viennent changer l'approche de Stephen sur le dossier Ann X. Le problème de mal-être du héros et les ramifications complexes du dossier s'ajoutent en plus. Du coup, le lecteur a du mal à savoir où on l'emmène et a l'impression de piétiner.

Une fois le roman fini et avec un peu de recul, Transparences reste un très bon livre, extrêmement bien écrit et bien mené et dont on gardera de nombreux passages en tête et surtout une forte envie de boire un bon café.