Chosen – L’Elu
Peoria, Illinois. S’il y a un endroit morne et oublié de Dieu, c’est peut-être là. Et Jodie Christianson n’a vraiment rien d’exceptionnel, à douze ans. Des parents qui s’enguirlandent du soir au matin, des résultats scolaires minables et un intérêt vaguement obsessif pour sa voisine du même âge.
Sauf que. Quand un camion dérape et lui tombe dessus, Jodie en sort indemne. Difficile à croire, mais possible. Et puis, comme Jésus à son âge, il découvre qu’il peut discourir de tout avec les plus savants. Comme Jésus, il rend la vue aux aveugles (bon, aux binoclards), change l’eau en vin et multiplie les pains. Les adultes n’y croient pas, et en particulier le prêtre local, qui a perdu la foi depuis longtemps. Jodie, lui, y croit, et ses amis aussi. Ce sont les enfants, pas encore désabusés, qui voient la nature divine de Jodie et qui vont la montrer au monde entier. Quand Jodie guérit les paralytiques, tout le monde sait que Jésus est revenu.
L’évangile du XXIème siècle
En un sens, Chosen est une histoire très contemporaine, un one shot qui met à jour les passions et la morale de l’Amérique profonde. Seuls ceux qui ont la foi sont purs. Les hommes de science et les incroyants sont profondément malheureux. Le scénariste, pourtant étranger car anglais, sait faire ressortir, sans caricaturer, ce qui fait vivre tout un peuple aujourd’hui. Il l’a d’ailleurs prouvé avec son travail sur Ultimates, la nouvelle version des Vengeurs de chez Marvel. Quand au dessinateur, qui s’était illustré sur la série Lucifer, il sait manier à la fois la simplicité de tous les jours et la simplicité biblique et marie les deux en permanence.
Millar et Gross parviennent surtout à redonner au christianisme une nature jeune, fraîche, pleine de promesses et d’étonnement, qu’elle a perdu depuis quelques siècles dans nos contrées, il faut bien l’admettre. Le messie est honnête et marrant, il a douze ans et est parfaitement humain. Dans un passage, il explique que l’Ancien Testament, c’est La Guerre des Etoiles, le Nouveau Testament, c’est L’Empire Contre-attaque et que lui, il va écrire Le Retour du Jedi. Millar se place ainsi très nettement dans la lignée de toutes les œuvres modernes reprenant des thèmes christiques.
Car c’est bien le Christ, plutôt que la religion en général, qui est l’élément central de l’œuvre. Il n’y est pas vraiment question de paradis, d’enfer, de moralité ou de métaphysique. Ce dont il est question, c’est du choc, pour un enfant de douze ans, de se retrouver Dieu fait homme, avec des pouvoirs qui lui sont parfaitement naturels mais qu’il n’a jamais eu avant, et le doute, toujours, sur sa vraie nature. Parce qu’il y a des limites au pouvoir divin. Parce que ses parents ne s’aiment toujours pas. Parce que lui-même est loin d’être absolument pur. Parce qu’il y a des secrets encore enfouis.
Parce que dans l’Apocalypse, il n’y a pas que le Christ revenu qui joue un rôle…