Même si elle a du mal à s’arracher à ses livres , Frédérique Lorient est une randonneuse dans l’âme et à pied ou à cheval parcourt de nombreux chemins. Si elle a fait de nombreuses incursions dans l’écriture auparavant, c’est son premier grand saut dans l’écriture c’est au contact de ses élèves puis de ses propres enfants qu’elle a développé cette envie de faire un bout de chemin (ou plutôt vu la matière de son premier roman une plongée dans l’imaginaire) en compagnie d’un lectorat adolescent...
Des animaux doués de raison et de compassion ?
Les océans sont envahis par d’étranges créatures, les Meds mi-poulpes, mi-méduses. Pour enrayer cette invasion et détruire les envahisseurs en bombardant la base des Meds sur leur planète d’origine, l’armée enrôle de force de jeunes détenus condamnés à vie et les endoctrine pour les persuader que cette mission rachètera leurs crimes et sauvera l’humanité. Tristan rebaptisé Triss, tri-récidiviste fait partie d’un convoi précipité sur cette cible et il s’aperçoit que l’armée les a transformés en bombes humaines et que leur rédemption sera posthume. Mais la mission dévie de ce qui avait été programmé pendant les nombreuses simulations les jeunes sacrifiés sont extraits en douceur de leurs vaisseaux et rassemblés dans une bulle au cœur de l’océan. Triss et ses compagnons d’infortune se retrouvent à nouveau prisonniers avec les rescapés d’une précédente mission.. Entre les nouveaux arrivés et les précédentes vagues la tension monte deux clans se qui gagnera la légitimité du chef ? Quelles sont les intentions des Meds qui subviennent aux besoins du groupe humain et comment s’échapper ?
H(umanisme) 2 O(nirisme)
De nombreux filaments de référence explicite ou non à d’autres livres, d’autres histoires infiltrent ce récit envoûtant créant un écho dans le parcours du lecteur. En plus de ce plaidoyer pour la littérature qui « casse la tête » à Tristan avant qu’il soit initié au plaisir de la lecture et dont il découvrira grâce à son père qu’elle cimente les hommes en leur permettrant de partager leur expérience, Frédérique Lorient déroule en finesse une réflexion sur la solidarité et sur l’altérité.
Au-delà des monstres décrits par la propagande, il trouve chez les Meds des sauveteurs inespérés, une curiosité bienveillante et il noue avec l’un d’entre eux un lien d’abord physique puis émotionnel qui ne se distend pas même quand il nuit à la survie de cet individu que Triss a baptisé Orphée. Pour avoir approché de trop près cette espèce inquiétante parce que différente, Triss doit affronter la désapprobation de son clan échaudé par tout ce qu’ils ont vécu.
Ce récit de l’apprivoisement et de la mise à l’épreuve des liens est à l’image des Meds inventés par Frédérique Lorient et dessinés par Munch sur la couverture au-delà de la transparence et de l’opacité, complexe, évolué quasi luminescent.