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Photo de Vlad l’Empaleur

Vlad l’Empaleur

Hermann (Dessinateur), Yves H. (Scénariste)
Aux éditions : 
Date de parution : 28/02/06  -  BD
ISBN : 2203391618
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Arkady   - le 31/10/2017

Vlad l’Empaleur

« La forêt de pals s’étendait jusqu’à l’horizon. Plus de vingt milles corps de citoyens valaques et de soldats turcs que Dracula, ivre de vengeance, avait trucidés, mutilés, puis offerts aux becs des corbeaux, se décomposaient sous un soleil torride. »

Avant d’être l’archétype fantastique né du roman éponyme de Bram Stoker, Dracula fut un prince déchu du royaume de Valachie. On sait peu de choses de Vlad Tepes, dit Dracula (le fils du dragon / du diable), ce monarque erratique, si ce n’est que ses ambitions guerrières furent étouffés par le conflit religieux chrétiens vs musulmans qui ravagea l’Europe de l’est au cours du XVe siècle. Les seules traces, et encore, de son passage le décrivent comme un tyran cruel dont les méthodes d’exécution sanguinaires semèrent un certain effroi - la technique la plus visuelle restant l’empalement des corps d’ennemis vaincus ou de divers contestataires.

Yves H., scénariste belge de BD (Rodrigo, Zhong Guo, Manhattan Beach 1957, The Girl From Ipanema...), amoureux de la Roumanie, initie avec Vlad l’Empaleur une trilogie consacrée à Dracula – la créature. Après ce premier opus consacré à Vlad Tepes, suivront un deuxième consacré à Bram Stoker, puis un dernier dédié à la Transylvanie. Les dessinateurs successifs de ces différents volets étant Hermann (le père de Yves et l’auteur de la série réputée Jeremiah), Séra et Danny.

Ce premier tome s’assimile donc à une biographie succincte de Tepes, de sa naissance vers 1430, à sa mort pathétique en 1476, via sa captivité de jeunesse en Turquie (1442 – 1448) et ses différentes phases de reprise de pouvoir, de tyrannie, d’exil, de bataille, et cætera. Sans véritable fil conducteur, et sans aucun enjeu dramatique, les scènes de la vie de Dracula s’enchaînent sans plus d’intérêt que le premier cours d’histoire d’un lundi matin d’automne. La retranscription sans pudeur des empalements, seul véritable gageure de l’album, ne rattrape pas la monotonie de l’ensemble. Sans unité logique, on suit Dracula sans vraiment l’approcher, sans s’interroger sur ses motivations, sans qu’un charisme, une ambiguïté, un quelque chose de sex, d’appealing, ou même d’intriguant ne se dégage du personnage. L’auteur déclare avoir comblé certains trous historiques par des ficelles romanesques (comprenez des clichés de romans de gare éculés à faire passer le Dracula de Coppola pour un monument de finesse). Il aurait mieux fait, à mon humble et modeste avis, de s’affranchir de toutes contraintes historiques (qui sont de toutes façons biaisées) pour créer un vrai personnage. Certes, cela oblige à opter pour un parti-pris, à offrir une vision personnelle de la genèse du mythe, à prendre un minimum de risques, à affronter la noirceur de son sujet. Mais, me direz-vous, ce sont des choses auxquelles la BD belge ne nous habitue plus depuis longtemps (les mauvais esprits diront qu’elle ne nous y a jamais habitué… mais j’étais trop petit et innocent pour savoir et me prononcer sur ce sujet).

Passons rapidement sur les dessins. Ils sont dans la moyenne du marché, donc très laids (matez donc la couv). Anatomies foirées, teintes peu soignées, traits brouillons, découpages insignifiants. Aucun intérêt et aucune inspiration. Détail révélateur, des annexes délivrent quelques croquis (oui moches aussi) commentés ; certains de ses croquis sont intitulés « Découpage de la page X » et le commentaire associé évoque les choix scénaristiques en terme de décors, de costumes ou autres de la page en question mais à aucun moment n’évoque justement un quelconque découpage.

« Qu’il vienne donc ce bâtard de Dan ! Je lui réserve le plus long de mes pals. »


Au final, c’est moche, inintéressant, mal écrit aussi tiens tant qu’à faire (dialogues vaseux, fautes de langue en continu) ; et on se demande pourquoi ne transparaît nulle part ce fameux amour de la Roumanie dont se prévaut l’auteur. Cette BD, et l’ensemble du cycle si j’en juge les planches des tomes à venir, peut directement être mise au rebut, comme tant d’autres œuvres avant elle qui voulant se frotter à une légende éculée n’ont récolté que des restes prédigérés. On pourrait débattre longtemps, mais là n’est pas le lieu j’en conviens, de la survivance des mythes qui à force d’avoir été cuisinés à tout va deviennent finalement très fades. De là, comment le public peut encore y trouver son compte ? Je ne sais pas. Mon côté anti-gens a bien une idée mais bon je ne voudrais pas être jugé de cruauté envers l’humanité. Finalement, à la lecture de cette BD, j’avoue ressentir, une fois de plus, une certaine compréhension envers ce brave Vlad (il y a quelque chose d’artistique dans un forêt de cadavres empalés, non ?). Comme quoi, l’objectif visé par cette BD n’est pas si loin d’être atteint…


Annexe : Des dossiers très complets sur les trois tomes de Sur les traces de Dracula sur le site de Yves H. (pour les amateurs, le troisième tome fleure bon le nanar).

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