Livre
Photo de Chroniques du Premier Age (2033-2053)

Chroniques du Premier Age (2033-2053)

Patrick Marcel (Illustrateur de couverture), Francis Valery ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 28/02/06  -  Livre
ISBN : 1932983546
Commenter
Eric   - le 20/09/2018

Chroniques du Premier Age (2033-2053)



Inscrit au patrimoine de la SFF, briscard inusable du petit landernau de l'Imaginaire et aventurier capillaire s'il en fût, on doit à Francis Valéry une collection de pseudonymes sous lesquels il cacha un temps ses essais ("dérives" disent certains) stylistiques, une généreuse cargaison de nouvelles, et un travail de journaliste et d'essayiste dont l'apex fût certainement la fondation, avec Sylvie Denis, de la revue Cyberdreams. L'un dans l'autre, le voir surgir au détour du catalogue de Rivière Blanche n'étonne pas. La petite maison d'édition, si elle professe un culte coupable pour la collection Anticipation, est déjà sortie de ses rails pour livrer une SF plus ambitieuse. C'est indéniablement le cas de ces Chroniques du Premier Âge.

Dix-huit textes donc, dont on nous annonce la découverte en quatrième de couverture. Dix-huit textes retrouvés tout dernièrement sur G4/Petroni/03 par des archéologues, et qui relancent le vieux débat sur la planète des origines.

Regroupés chronologiquement, ils prétendent éclairer d'un jour nouveau les premiers pas de l'Humanité vers une civilisation spatiale. Il semblerait à cet égard que le premier message qui leur soit parvenu en 2033 (selon l'ancienne datation) ait été déterminant. Il provenait vraisemblablement d'Alpha du Centaure, et disait simplement : "NOUS EXISTONS, ET VOUS ?". Dès lors, les choses se compliquent un peu. Si les efforts des humains pour prendre leur essor vers les étoiles sont indéniables, on comprend mal aujourd'hui qui étaient ses juifs qui semblèrent dès le début du programme s'en assurer le contrôle total. Ni d'ailleurs pour quelle raison ils le firent. Toujours est-il que le récit de ses balbutiements (en dépit d'une relation lacunaire), est touchant. Emouvant même, et porte en lui les germes de notre civilisation.

Avec ce recueil regroupant donc dix-huit nouvelles écrites sur une quinzaine d'années mais dont une seule seulement est inédite, Francis Valéry se lance, à son tour dans son "histoire du futur". Il ne nous refait toutefois pas le coup du Livre des ombres de Serge Lehman. Cette fois, pas vraiment de fix-up les reliant entre-elles, mais seulement une présentation légèrement scénarisée. On évite ainsi la faute de goût, et on paye hommage, dans le fond, si ce n'est dans la forme, aux glorieux anciens. Difficile en effet de ne pas penser à Michel Demuth et à ses Galaxiales. Effet accentué par le côté "régionaliste" des Chroniques du Premier Âge, dont l'action, hormis quelques rares incursions spatiales, se déroule essentiellement entre Paris, Berlin et l'Israël. La faute de goût, donc, est évitée, mais on y gagne en respectabilité ce que l'on y perd en cohérence. Ce n'est qu'au prix d'acrobaties périlleuses, que Francis Valéry parvient a raccrocher entre-eux les wagons, peinant parfois durement pour justifier de brutales différences de styles.

Sujet épineux d'ailleurs - le style - pour un auteur qu'on a parfois épinglé pour ses excès, que ce soit dans la ballardisation ou dans l'humour pas toujours très fin. Que les inquiets se rassurent néanmoins. En dehors d'Action structurante sur fissure fractale à marée montante, dont le titre rend exactement compte au contenu, on reste ici dans l'éminemment accessible. Et même dans l'enthousiasmant. Ainsi, les nouvelles s'axant autour du projet Altneuland, reprise presque intégrale de son recueil Les Voyageurs sans mémoire, sont tout à fait remarquables. Sa vision d'un futur où les groupes de pressions, et notamment le mouvement sioniste, ont pris en main les rênes du pouvoir est particulièrement astucieuse. De même la pertinence avec laquelle il écorne les diktats du libéralisme (Un Homme au foyer ™) ou évoque la dette que nous contractons sur notre avenir (La Cinquième Tribu), renvoie à la meilleure fiction prospective. Ce qui n'empêche pas Valéry de s'aventurer avec bonheur sur les terres d'un Imaginaire plus poétique, comme dans Petite Afrique ou Le jour où le dernier enfant s'échappa des ruines du l'usine du temps.

Un recueil, donc, qui est une double confirmation. Tout d'abord, en regardant la couverture celle que, s'il avait un temps hésité, Patrick Marcel, a bien fait de choisir la traduction plutôt que l'illustration. Et, même si on le sait depuis longtemps, celle que Francis Valéry sait être à la hauteur de nos attentes.  De très haute tenue, Chroniques du Premier Âge n'est pas sans rappeler par son niveau de qualité le très acclamé Monde tous droits réservés de Claude Ecken. Ce qui n'est tout de même pas rien.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?