Un œil, six têtes et des jambes atrophiéesAlors que Madeleine Paichain est affairée par le mariage imminent de sa fille aînée Bernadette, qu’Emilienne est condamnée au bagne en Nouvelle-Calédonie, que tout Paris est à la revue militaire à Longchamp, le commissaire Loiseau confronte une demi-mondaine qui lui permettra peut-être de faire sauter une des têtes de l’Hydre (le syndicat du crime qui a comme sections Prostitution, Jeu, Contrefaçon, Empirisme, Alcools-tabac-opiacés, Mendicité). Le hasard et la curiosité mettent Blanche en possession d’un document mystérieux qui mentionne les « têtes de l’Hydre » pour remonter la piste d’un bijou mythique, l’œil du grand Khan. Commence alors pour le commissaire et sa nièce inspectrice à l’occasion, une course-poursuite infernale où les façades les plus lisses cachent d’atroces activités, où le roi des potins a bien d’autres prérogatives qu’une science illimitée des ragots, où le pouvoir en place protège d’occultes entreprises, où tous les partis en action rivalisent de violence et de ruse pour mettre la main sur le bijou très convoité…
Du suspense, un univers très fouillé et des sentimentsEnigme à résoudre, nombreux pièges à déjouer, machineries, passages et messages secrets, rencontres fortuites, complots et alliances, passés inavouables qui rattrapent les protagonistes ou perspectives de futur bien sombre, brouillage des pistes et multiples identités, ce roman contient nombre d’éléments qui façonnent un rythme soutenu et tiennent le lecteur en haleine.
En plus des éléments historiques et de nombreux mots empruntés au vocabulaire de l’époque, Hervé Jubert s’amuse à émailler son intrigue de références à la littérature de cette période : Victor Hugo et Jules Verne sont explicitement convoqués, le deuxième servant même à démontrer qu’une souscription en cours pour une expédition sous-marine n’est qu’une arnaque. En mystificateur malicieux, l’auteur croise réalité et fiction (et les hybrides légendes urbaines) pour former une trame dense et saisissante.
Aventure et érudition n’excluent pas ici l’émotion : les liens sont divers mais intenses. De l’amitié dévouée pour Emilienne, à la complicité avec son oncle en passant par son amour naissant et rougissant pour le futur ingénieur Alphonse Petit la jeune héroïne doit affronter bien des tempêtes intérieures, trembler pour ceux qu’elle aime et jouer son va-tout pour que la situation se rétablisse. Elle apprend le mensonge et la nécessité de tenir ses promesses.
L’ingéniosité des procédés narratifs, l’inventivité malicieuse du propos et l’humanité dans tous ses visages de plus glorieux aux plus honteux que déploie Hervé Jubert confirme son talent à embarquer le lecteur dans les aventures effrénées de Blanche Paichain et à guetter d’un œil impatient la suite de la trilogie.
Ne manquez pas le site consacré à la trilogie, mélange élégant et malicieux de gravures et de textes d’époque ainsi que de « bonus »
www.blanche-paichain.net