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Boulevard des disparus

Andrew Weiner ( Auteur), Thibaud Eliroff (Traducteur)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/03/06  -  Livre
ISBN : 9782070309627
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Arkady   - le 20/09/2018

Boulevard des disparus

« C’est des conneries, avait-elle dit en ouvrant les yeux à contrecœur. Tout ce monde, c’est des conneries. »

Joe Kay est détective privé (et non pas cheminot - mais rassurez-vous les gens font souvent la confusion). Détective privé donc, spécialiste en personnes disparues. La nouvelle affaire qu’on lui confie ne semble pas déroger à l’ordinaire. Retrouver Walter Hertz, un quelconque employé des Archives. Mais les choses prennent l’eau rapidement. Quand les traces de la disparition de Hertz et de son existence même commencent à disparaître elles aussi. Joe commence alors à s’interroger sur sa ville. Sur la guerre floue qui paralyse les échanges avec l’extérieur ; sur le temps qui part en bâtonnets glacés ; sur ces graffitis qui prolifèrent sur les murs et questionnent la réalité. La fin du monde est-elle proche ? Qu’y a-t-il au-delà de la ville ? Où a disparu le responsable des couvertures de Folio-SF ?

Auteur anglais vivant au Canada, critique passionné de musique, Andrew Weiner écrit de la science fiction, principalement des nouvelles, depuis une trentaine d’année. Ses rares romans sont quasi-exclusivement des développements de nouvelles existantes. En approchant de la fin, un très joli roman de science-fiction noir mêlant musique, prescience, voyage sur Mars et fin du monde, est la synthèse de trois nouvelles (inédites en France). Boulevard des disparus ou Among the missing en V.O. (oui je sais mais il doit y voir un concours de la traduction de titre la plus pourrie chez Denoël) est le développement de Des nouvelles de D Street parue dans le recueil Envahisseurs. À peu de choses près, l’intrigue de la nouvelle est reprise dans le premier tiers du livre. Et d’après les derniers signaux reçus, il n’a écrit qu’un seul véritable roman Station Gehenna, non traduit [1987].

Si Des nouvelles de D Street pouvait se révéler intéressante à sa parution [1986], il faut bien reconnaître que la republier en version étendue en 2002 tient de l’aveuglement. Rares sont les lecteurs de science fiction à être passés à côté du chef d’œuvre d’Alex Proyas Dark City. Ce postulat de départ très similaire – une ville isolée ; des disparitions mystérieuses ; un flic qui sombre dans la folie ; des portiers qui changent du jour au lendemain ; et surtout une ambiance hard boiled – risque d’endormir fortement le lecteur malgré la fluidité et la bonne tenue de l’ensemble.

Heureusement ou malheureusement, l’intrigue se dévoile au tiers du récit. Du roman mystère en forme d’hommage au polar noir, Among the missing devient un banal roman de gare au ressort très Âge d’Or et bien peu crédible. Il n’est évidemment pas question de révéler le twist du livre. Mais malgré l’attachement que l’on porte à Weiner, il faut bien reconnaître que son intrigue est aussi vraisemblable qu’un roman de Bernard Werber (d’ailleurs en cherchant bien elle est incluse dans un des romans – médiocre - de ce dernier). Bref, là où Proyas donnait du souffle, de la dramaturgie et du sens à son récit, Weiner se contente d’une mince intrigue très convenue et peu exaltante.

Comme par amusement, Weiner tisse autour de son intrigue hard boiled, une intrigue couvercle qui en a les mêmes clichés et les mêmes ficelles. Son intrigue et ses personnages ne gagnent donc aucune profondeur et aucune émotion ne ressort de leurs péripéties. Ce manque d’implication n’est pas aidé par le manque de maîtrise technique et contextuelle du sujet (le twist en question). Le seul intérêt de ce roman réside finalement dans la relation d’un des personnages à la musique – thème récurrent chez Weiner. On sent l’auteur fasciné par l’archétype de la chanteuse de cabaret – par cette illusion. Mais tout cela reste ici assez succinct.

On conseillera donc plutôt En approchant de la fin, plus abouti et plus personnel. Il reste également plus rentable de se procurer le recueil Envahisseurs puisqu’il contient la même histoire en plus efficace et en moins gâchée. On peut signaler aussi le numéro 6 de la défunte Etoiles Vives qui lui fut consacré et qui devrait ravir ses amateurs (ainsi que ceux de Michael Swanwick). Et petit rappel pour les amateurs de hard boiled : lisez Noir

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