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80 jours

Nicolas Vadot (Dessinateur, Scénariste, Coloriste), Olivier Guéret (Scénariste)
Aux éditions : 
Date de parution : 30/04/06  -  BD
ISBN : 2203391545
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Lavadou   - le 20/09/2018

80 jours

Nicolas Vadot, né en 1971, a fait des études à l’Ecole de Recherches Graphiques de Bruxelles avant de devenir dessinateur de presse pour l’hebdomadaire Le Vif, édition belge de L’Express.
Olivier Guéret, né en 1970, est d’abord passé par la restauration avant de devenir critique de cinéma et de bande dessinée, tout d’abord pour des journaux belges puis pour la télévision.
Les deux auteurs se rencontrent en 1998 et sortent en 2001 le premier tome de la série Norbert l’Imaginaire, récompensée par de nombreux prix.

80 ans à rebours

Edmond Lesage a 80 ans et est au seuil de la mort, assisté par la jeune Juliette. Pour une raison inconnue, il se met à rajeunir d’une année chaque jour. Il décide de profiter de ce sursis pour retrouver ses sensations de jeunesse, en essayant notamment de séduire Juliette. Mais que se passera-t-il quand les 80 jours se seront écoulés ?

Un conte entre nostalgie et philosophie

Les auteurs ont choisi le bon point de vue pour raconter cette histoire : celui d’Edmond Lesage. L’argument fantastique – le rajeunissement – est ainsi vécu de l’intérieur, si bien que le narrateur ne s’attarde pas sur son fondement mais sur ses conséquences pour lui-même et ses sentiments.

Le premier à entrer en jeu est la nostalgie, et les auteurs ont parfaitement su nous la communiquer, en retranscrivant l’enthousiasme infantile du vieillard qui retrouve ses sensations d’antan. Par des cases aux délires oniriques, ils nous font entrer dans sa tête et partager son émerveillement. Mais ce rajeunissement est aussi pour Edmond l’occasion de se remémorer ses actes manqués et ses vieux démons (admirablement représentés par une voiture en feu fonçant sur un mur, comme sur la couverture). La BD prend alors une tournure un peu plus philosophique, interrogeant le lecteur sur la valeur des regrets et le désir (ou non) de réparer ses erreurs. Edmond navigue entre torture intérieure et arrogance extérieure, faisant petit à petit mentir son nom de famille comme un symbole de régression.

Vadot et Guéret jouent d’ailleurs énormément avec les symboles. Première thématique : le temps qui passe, évidemment, avec quelques détails dans les décors rappelant le vieillissement ou le rajeunissement, l’omniprésence des horloges et de leur tic tac, les parallèles entre fauteuil roulant et poussette… comme pour montrer que, quelle que soit la direction de notre vie (vers la mort ou vers la naissance), elle n’est au final qu’une course contre le temps. Autre symbolique : la route, représentant le chemin de la vie, avec ses virages, ses accidents, son trajet sinueux et ses obstacles.

D’un point de vue de l’intrigue, celle-ci se laisse peut-être légèrement phagocyter par les symboles. Elle est volontairement exempte d’action – il serait de toute façon difficile de monter un scénario dense et cohérent sur 80 jours – et cela sert la démonstration des auteurs qui privilégient la réflexion philosophique.

Un dessin parfaitement maîtrisé

Côté graphisme, les dessins de Vadot sont particulièrement étonnants. Avec un trait assez gros, il donne une impression de crayonné imprécis, notamment sur les visages. Mais ces imperfections apparentes servent un jeu d’ombre et de lumière remarquable, et finalement on se rend compte que Vadot maîtrise parfaitement son coup de crayon.

C’est évident dans les décors, très riches et très beaux. Vadot fait preuve d’un véritable souci du détail (par exemple, le flou du paysage vu de l’intérieur d’une voiture pour représenter la vitesse) et d’un sens de la composition très artistique. Il sait également donner du dynamisme à ses cases lorsque c’est nécessaire.

Enfin, la jolie colorisation aux tons pastel ne gâche en rien l’ensemble. Vadot arrive notamment à rendre des ambiances et des atmosphères de belle façon, comme les jours de pluie ou le soleil couchant sur un paysage de Provence.

Un bon album

80 jours est donc un bon album, qui mise plus sur la réflexion que sur l’action, servi par un très beau travail graphique. Il aurait peut-être gagné à être plus explicite sur la fin, assez mystérieuse et sujette à interprétation, nous faisant hésiter sur un éventuel changement de perspective. Mais ce n’est pas forcément un inconvénient, et c’est même un avantage que d’avoir su condenser ces 80 jours en un seul tome. L’impact n’en est que plus grand.

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