Le Pnume - Volume 1
Le Cycle de Tschaï est avant tout une saga écrite par Jack Vance à la fin des années 60, découpée en quatre volumes : Le Chasch, Le Wankh, Le Dirdir et Le Pnume. A la frontière entre la Science-Fiction et la Fantasy, cette aventure a marqué plusieurs générations de lecteurs. Elle est considérée par beaucoup de monde comme l'un des plus grands monuments de la littérature du genre. Il s'agit en tout cas d'un grand classique. Jack Vance nous y entraîne sur une planète inconnue, à la rencontre d'humains et d'extra-terrestres fascinants d'étrangeté, le tout raconté avec cette manière si particulière qu'a l'auteur de décrire les atmosphères dans ses romans.
Jean-David Morvan s'est attaqué depuis plusieurs années, avec le dessinateur Li-An, à la transcription de ce cycle en bandes dessinées. Ils ont doublé le nombre de tomes afin de pouvoir rester le plus fidèle à l'histoire et à ne pas devoir faire trop de coupes dans le scénario. Appuyés par la coloriste Scarlett, ils ont déjà réalisé six des huit tomes qui constitueront la série en bandes dessinées. Ce volume est le septième (donc l'avant-dernier).
A la rencontre des autochtones
Adam a presque fini la construction de son vaisseau. Ils pourront bientôt partir et prévenir la Terre de l'existence de Tschaï et des races qui la peuplent. Malheureusement, le terrien est trahi par son prisonnier, Woudiver, qui le livre aux Pnumes. Ceux-ci, premiers et seuls vrais habitants de la planète, se sont réfugiés dans les entrailles du monde pour échapper aux autres races. Le héros réussit à leur échapper, mais il reste prisonnier du labyrinthe creusé par les Pnumes sous la surface de Tschaï. Il devra voler, tuer et même enlever une jeune femme asservie par les anciens pour trouver son chemin et espérer revoir la lumière du jour.
Un tome plus intimiste
Centré sur les rapports entre le terrien et la jolie Pnumekine, cet album est moins enlevé, moins violent que les précédents (si l'on exclut les premières pages). Adam y est plus humain, plus attentif, moins centré sur son idée de quitter le sol de Tschaï. Les regards qu'il lance vers sa prisonnière et l'évolution de leurs rapports montre combien Tschaï l'a changé, peut-être autant que lui-même a bouleversé l'équilibre de ce monde.
Une oeuvre particulière
L'idée de traduire en bandes dessinées le cycle écrit par Jack Vance est un pari difficile. D'une part le texte des livres est dense, pleins de rebondissements, d'intrigues compliquées est difficile à rendre en peu de pages sans en retirer l'impression de bouillonnement qui fait partie intégrante du charme de l'oeuvre. Morvan s'en tire honorablement, restant assez fidèle à l'ouvrage initial pour ne pas décevoir les lecteurs passionnés des livres originaux tout en simplifiant suffisamment l'histoire pour ne pas embrouiller l'esprit de ceux qui découvre cet univers.
D'autre part, le texte des livres est rempli de descriptions à demi esquissées et de personnages haut en couleurs. Jack Vance s'est fait une réputation sur sa faculté de ne rien décrire tout en dessinant dans les esprits de ses lecteurs des mondes d'une richesse incomparable. Déjà, Caza avait eu le culot de croquer chacune des races sur les couvertures de la publication française, au risque de froisser les fans. Mais dessiner huit tomes de bandes dessinées censés refléter le monde de Tschaï est une gageure incroyable.
Li-An a fait un choix courageux, décrié par certains : son dessin reste simpliste, dépouillé à l'extrême, laissant à chaque lecteur le soin et le loisir d'imaginer les détails invisibles. On peut ne pas aimer le trait, le trouver grossier et caricatural. Ce n'est pas le premier album de bande dessinée qui utilise cette technique mais Li-An le fait avec beaucoup d'à-propos et de finesse et finalement une certaine réussite. Le résultat est un univers en pointillé, un réceptacle pour notre imagination.
La série de bandes dessinées se lit bien sûr indépendamment du texte de Vance, mais l'association des deux renforce la structure du monde imaginé par l'auteur, retranscrit par Morvan et Li-An. Je trouve que les albums ont leur place aux côtés des livres dans une bibliothèque de science-fiction.