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Lexandria

Aux éditions : 
Date de parution : 31/05/06  -  Livre
ISBN : 2916045066
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Lavadou   - le 20/09/2018

Lexandria

Valéria J. Campanile, de son vrai nom Valérie Jourcin, publie ses premières nouvelles dans un fanzine arlésien, Babylone. En 2003, elle reçoit le 2ème prix du roman au concours littéraire de l’école de la Loire pour un roman jeunesse, Le créateur de rêve, non publié pour le moment. En 2004, elle publie son premier recueil, Climats 3042, dont l’une des nouvelles, Visiomanes, a été adaptée au théâtre et jouée au festival d’Avignon en 2006. Lexandria est son premier roman et se situe dans l’univers de Climats 3042.

Une cité en plein désert

Dans la cité de Laberia, refuge mythique des exilés des Cités Unies aujourd’hui détruites, la vie s’organise autour du Livre Mémoire, recueil de légendes anciennes qui racontent la folie des hommes. Kelaïnos, administrateur de la cité, arpente le désert à la recherche de vestiges des Cités Unies, afin que les scientists de Laberia en reconstituent le passé. Deux de ces scientists, en mission de recherche dans le désert, sont attaqués par un être inconnu. Plus tard, c’est au tour de Lexandria, fille de Kelaïnos, d’être enlevée.

Un potentiel non exploité

Le recueil Climats 3042 contenait un certain nombre d’idées intéressantes que Valeria J. Campanile n’avait pas su développer, sans doute limitée par le format court de ses nouvelles (voir la chronique ici). Le passage au roman laissait espérer une meilleure exploitation de ce potentiel mais il n’en est rien. La forme longue ne fait qu’amplifier les défauts des nouvelles.

Tout d’abord l’intrigue, même si elle repose sur une idée originale, est d’une platitude et d’une simplicité décevantes. Tout est trop rapide, les événements s’enchaînent de façon artificielle ou selon des coïncidences douteuses (par exemple, les deux scientists en mission découvrent une salle dans une grotte perdue au milieu du désert et concluent immédiatement qu’il s’agit du décor de l’une de leurs légendes). En fait, tout est toujours là au bon endroit et au bon moment pour faciliter l’évolution ou les actions des personnages : le Commandeur de la cité a besoin de communiquer une information importante aux habitants ? Pas de problème, ils l’attendent tous dans la « salle des palabres » sans annonce préalable ; les héros ont besoin d’un lieu découvert pour tendre une embuscade ? No soucy, le cirque de pierres (non pas « un cirque » mais « le cirque » - est-ce le seul de toute la planète ?) s’impose sur la carte du désert (qui recouvre le monde entier). Tout s’agence pour accélérer les décisions, les actes, au mépris de la cohérence la plus élémentaire.

Une cohérence mise à très rude épreuve. Les exemples sont trop nombreux pour être cités tous, mais en voici quelques uns : des scientists qui s’aventurent dans une grotte inconnue sans se faire accompagner par les gardes censés les protéger ; l’utilisation d’un vieil astronef (qui évidemment démarre du premier coup) pour s’enfuir, alors qu’ils savent se téléporter ; l’astronef qui s’écrase suite à un éblouissement alors qu’il dispose d’un pilote automatique…

Les personnages ne sont pas mieux traités. L’auteur ne nous les décrit pas immédiatement, attendant parfois des dizaines de pages avant d’en donner une description physique ou psychologique, empêchant toute identification. De plus leurs réactions sont stéréotypées et non crédibles : l’amour au premier regard (déjà récurrent dans les nouvelles de Climats 3042), des postures puériles (un scientist « bombant le torse » alors qu’il est perdu aux commandes d’un astronef qu’il sait à peine piloter), l’euphorie niaise de certains personnages alors qu’ils viennent d’échapper à la mort…

Quant aux décors, ils sont à peine esquissés et donnent l’impression d’être en carton-pâte. Par exemple on a du mal à cerner la cité, parfois enterrée, parfois à l’air libre, enfin on ne sait pas très bien. Le reste n’est qu’un décor d’appoint, présent uniquement pour servir de cadre à l’action, un peu comme un plateau de cinéma sur lequel on trouverait le désert à droite et le restaurant à gauche, le tout dans un hangar mal éclairé.

Dans « science-fiction » il y a « science »…

C’est ce que semble avoir oublié Valéria J. Campanile. Certes, placer son histoire dans un futur lointain laisse à l’auteur une certaine marge de manœuvre pour inventer des concepts ou des technologies en se libérant des contraintes de la science actuelle. Mais il y a des limites.

Ainsi, comment peut-on croire que des lunettes infrarouges permettent de se protéger les yeux du soleil en plein désert et en plein jour ? Petit rappel pour l’auteur : les rayons infrarouges sont émis par des sources de chaleur. Or le désert est une source de chaleur plutôt uniforme, des lunettes infrarouges dans ce contexte n’auront aucune utilité, et surtout pas contre les rayons ultraviolets… S’il n’y avait que ça… Mais l’auteur nous impose, entre autres, des pastilles d’eau synthétique, une fracture spatio-temporelle ayant provoqué des dérèglements climatiques et arrêté la rotation de la Terre, une « photographie de la galaxie montrant des hommes en train de travailler » (sic)… De plus elle utilise souvent des termes purement artificiels (« indicateurs spatiaux », « navette temporelle ») sans expliquer ce qu’il y a derrière, comme si la technique n’était qu’une chose vague qu’on n’a pas besoin d’expliciter car c’est trop compliqué ou parce que c’est inintéressant.

Enfin, Valeria J. Campanile a oublié que 1000 ans, c’est long (l’histoire se situe après l’an 3000), et qu’il y a peu de chances qu’à cette époque, surtout après les cataclysmes décrits, l’humanité se souvienne de Claude Nougaro (ceci dit sans vouloir critiquer son talent certain) ou de la Playstation. Et donner à ses personnages, à ses lieux, des noms faisant référence à la mythologie grecque ou issus du norvégien, du gaulois ou de l’arabe, à part montrer qu’on est cultivée et fière de l’être, ça n’a pas beaucoup de sens dans ce type de monde post-apocalyptique.

Bâclé et inabouti

Lexandria
donne l’impression d’être un roman bâclé et inabouti et semble montrer les limites de l’auteur. Dans Climats 3042, la brièveté des nouvelles pouvait servir d’alibi à cette incapacité à développer ses idées de façon cohérente et posée. Ici ce n’est plus le cas. Dommage, car encore une fois les idées sont souvent bonnes et intéressantes. Valéria J. Campanile manque peut-être seulement d’expérience. Du moins l’espère-t-on.

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