Climats 3042
Valéria J. Campanile, de son vrai nom Valérie Jourcin, publie ses premières nouvelles dans un fanzine arlésien,
Babylone. En 2003, elle reçoit le 2ème prix du roman au concours littéraire de l’école de la Loire pour un roman jeunesse,
Le créateur de rêve, non publié pour le moment.
Climats 3042 est sa première publication. L’une des nouvelles de ce recueil,
Visiomanes, a été adaptée au théâtre et jouée au festival d’Avignon en 2006.
Fragments du futurClimats 3042 est un fix-up qui présente quelques fragments du troisième millénaire au travers d’une cérémonie de lecture dans une cité en 3042. Lexandria, élue Grande Lectrice, est chargée de lire le Livre mémoire à des étudiants, dernier témoin de la folie des hommes qui a fait de la Terre un monde dévasté. A travers six récits, elle retrace la dégradation du climat et la lutte de certaines personnes pour s’affranchir des prisons physiques ou mentales dans lesquelles s’enferment les hommes, volontairement ou pas.
De bonnes idées mais pas suffisamment développéesL’idée de départ de ce recueil est plutôt intéressante : raconter des bribes d’un futur en dégénérescence sur une longue période, se concentrer sur quelques moments clé pour mettre en valeur le côté humain, en présentant des personnages cherchant à survivre du mieux qu’ils peuvent. L’auteur dénonce ainsi les travers de notre société (addiction à la TV, urbanisation sauvage, destruction de l’environnement…) en les poussant à l’extrême.
La première nouvelle,
Le grand réchauffement, est assez réussie, mettant en scène une ambiance étouffante et un homme, Al, essayant de maintenir un simulacre de vie dans un monde brûlé par la chaleur omniprésente. La chute de la nouvelle donne une autre perspective à l’histoire, plus cynique, et arrive à surprendre malgré quelques maladresses. Les quatre nouvelles suivantes,
Une si jolie carte,
Visiomanes,
Voyage pour Cythère et
La colonne de verre, sont du même acabit : une bonne idée de base, un contexte pessimiste mais pas rédhibitoire, et une fin à contre-pied (avec plus ou moins de succès). C’est d’ailleurs le premier reproche que l’on peut faire à ce recueil : les nouvelles ont toutes la même structure, leurs personnages sont tous désespérés, trahis, désabusés et victimes d’une illusion, ce qui rend l’ensemble vite prévisible.
Mais le principal défaut de ces nouvelles est leur longueur, trop courtes. On sent chez Valéria J. Campanile une capacité à installer des ambiances et des personnages, mais elle ne s’en laisse pas le temps. Le développement de chaque histoire est trop rapide, la fin intervient trop brusquement, ne permettant pas au lecteur de s’impliquer dans le récit. C’est particulièrement flagrant dans
La colonne de verre, où l’auteur évoque beaucoup de technologies et de particularités sociales, mais dont la description reste superficielle. On a ainsi du mal à véritablement accrocher à l’univers, et l’intrigue n’est pas suffisamment efficace pour sauver la nouvelle.
Approximations scientifiques et romantismeAutre défaut, un peu agaçant pour le lecteur de SF aguerri : ce recueil contient un certain nombre d’approximations scientifiques, voire d’erreurs. La dernière nouvelle,
Okkos, est à ce niveau édifiante… Ainsi, le personnage utilise des lunettes infrarouges pour se protéger du soleil et de la chaleur… Et la couche d’ozone serait responsable de l’alternance entre le jour et la nuit !
Valeria J. Campanile semble plus à l’aise dans le romantisme que dans l’exactitude scientifique. Chaque nouvelle comporte son lot d’amour inébranlable ou de sensualité érotique qui jure un peu avec le contexte. Ce sentimentalisme banal, parfois excessif, se retrouve en filigrane dans tout le recueil.
Un recueil moyen mais montrant un certain potentielMalgré tous ces défauts, ce premier recueil n’est pas inintéressant et comporte des éléments qui tendent à laisser croire que Valéria J. Campanile possède un certain potentiel : de bonnes idées, des ambiances et des personnages bien dessinés. Elle gagnerait probablement à prendre le temps de les développer, d’autant plus que son style, malgré quelques difficultés avec la ponctuation, n’est pas désagréable. Par ailleurs, si elle désire continuer dans le registre de la SF, l’auteur aurait intérêt à être plus rigoureuse au niveau scientifique. Enfin dernier bémol : le prix du recueil (15 euros), peut-être un peu excessif pour seulement 88 pages…
Remarque : Valéria J. Campanile a
un site Internet