Un ciel radieux
Né en 1948 au Japon, Jiro Taniguchi est sans doute un des dessinateurs japonais les plus connus chez nous. On a déjà pu lire plusieurs albums de lui dont Le sommet des dieux, Le chien Blanco, Le journal de mon père ou Quartier Lointain. Pour ce dernier diptyque, il a d’ailleurs reçu l’Alph’Art du meilleur scénario à Angoulême en 2003.
Un soir, un accident de la route.
Kazuhiro est un père de famille qui se consacre tout entier à son travail. Au point d’être surmené. Un soir, fatigué, il prend le volant et percute quelques kilomètres plus loin un jeune motard : Takuya. Mais lorsqu’il se réveille de son coma, il se rend vite compte qu’il est enfermé dans le corps du jeune homme alors que lui est décédé. Pourquoi ce transfert ? Y’a-t-il une raison ? Et comment faire comprendre à ses proches qu’il est encore vivant même s’il n’a plus le même corps ? Et surtout, comment mettre fin à ce cauchemar alors qu’il sent la conscience du jeune homme se réveiller également ?
Touchant
Avec ces 300 pages et son petit format, Un ciel Radieux ressemble plus à un livre qu’à une BD traditionnelle. Un volume qui laisse le temps à son auteur de développer son intrigue et de tirer toutes les ficelles d’un scénario original et riche. Il explore la question de l’identité de l’homme, de ce qui fait notre personnalité et du lien étroit entre ce que nous sommes et notre corps. Serions-nous les mêmes si nous avions une autre apparence ? Et le héros est-il encore un jeune homme de 17 ans ou un adulte de 42 ans ? Quelle vie peut-il mener ?
Cette cohabitation entre les deux consciences qui très vite se partagent le temps et le contrôle du même corps est passionnante. D’autant plus que Jiro Taniguchi s’attaque avec une certaine réussite à des questions telles que l’amnésie, le deuil et l’exploitation des salariés dans certaines grandes entreprises, ou comment l’individu peut se sacrifier pour la cause collective, même si ici c’est pour de mauvaises raisons. On l’aura compris, le ton n’est pas franchement à l’humour. Derrière ces grandes interrogations, il est ici question de sentiments et l’on est touché par certains passages véritablement émouvants. Jiro Taniguchi a même le bon goût de ne pas trop en rajouter, préférant parfois la pudeur aux effusions.
Son histoire est en plus soulignée par un trait en noir et blanc qui laisse la part belle aux encrages et au travail autour des visages et des expressions. Un trait qui rend étonnamment bien les sentiments et les différences entre la réalité et les scènes de « rêves ». C’est bluffant. Résultat, autant à cause de l’intrigue que du dessin, on se laisse emporter par le récit. Un grand récit que l’on ne peut que conseiller. Lorsque la BD donne ce genre d’émotions, elle est grandiose. Un grand manga, accessible et touchant !