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Des parasites comme nous...

Adrien Sylvestre (Illustrateur de couverture), Florence Dolisi (Traducteur, Traducteur), Adam Johnson ( Auteur), Stephen Swintek (Illustrateur de couverture)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/08/06  -  Livre
ISBN : 2207255360
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Eric   - le 20/09/2018

Des parasites comme nous...

Précédé par un beau succès critique pour son recueil Emporium paru début 2005, les confrères, qui , prompts à s'enflammer, avaient évoqué à son propos Douglas Coupland - logique - et Kurt Vonnegut - doucement les gars -, attendaient de pied ferme ce premier roman d'Adam Johnson.

De l'herbe, au chien...

Professeur à Stanford, Johnson ne s'est guère éloigné de cet univers qu'il connaît bien pour son premier plongeon dans le grand bain. Il choisit de nous parler de Hank Hannah, trentenaire tardif, professeur d'anthropologie à l'Université du Sud Dakota. Si sa carrière est aujourd'hui au point mort, quelques années auparavant il s'était fait un nom grâce à une thèse audacieuse et controversée, Les Exterminateurs. Il y étudiait la toute première tribu de paléoindiens - les Clovis - qui, chassés des plateaux arides de ce qui allait plus tard devenir l'Arcadie, auraient traversé le Détroit de Béring à la fin du pléistocène, pour essaimer sur tout le continent Nord-Américain, de l'Alaska au Mexique. Selon Hannah, leurs habitudes de chasse seraient, en quelques siècles seulement, venues à bout de plus de 35 espèces de mammifères, ce qui les auraient eux-même amenés au bord de l'extinction. Leur éclatement subséquent en toutes petites communautés aurait donné naissance à toutes les tribus amérindiennes que nous connaissons aujourd'hui, mais plus important, leur gestion déplorable de l'environnement aurait mise en péril l'écosystème des milliers de générations qui allaient leur succéder. Une théorie qui avait fait grand bruit lors de sa parution et avait valu à Hank Hannah sa chaire, dans cette petite ville où il avait lui-même grandit et étudié. Seulement voilà, ses recherches sont aujourd'hui au point mort. Les travaux qu'il avait entamés pour donner suite à sa thèse initiale et répondre aux critiques de certains de ses confrères se résument à des monceaux de documents entassés dans son bureau, et ses heures d'enseignement lui servaient largement d'excuse à une procrastination fort confortable.

Tout va basculer lorsque Eggers, un de ses étudiant dont la thèse de doctorat consiste à vivre une année durant comme un homme du pléistocène, lui amène une pointe de lance Clovis en quartz rose. Un vestige rare, et dont le jeune étudiant veux bien lui révéler la provenance, si Hannah accepte d'éprouver ses théories sur l'extermination des mammifères. Ce qui va l'amener à mettre à mort avec sa lance préhistorique un splendide cochon d'une demi tonne. Sa part du marché remplie, Eggers va lui révéler la découverte de ce qui est vraisemblablement le plus ancien site funéraire des Etats-Unis.

Hélas, pendant ce temps, le shérif du comté, qui mène l'enquête sur l'odieuse immolation du verrat de concours, ne va pas tarder à faire s'abattre sur notre pauvre anthropologue le bras vengeur de la justice.

... du chien, à l'homme

On le voit, les prémices de cette intrigue de fin du monde sont simples. Mais il faudra tout de même 250 pages pour y parvenir, sur les 450 que comptent l'ouvrage, et encore, là, n'êtes vous pas au bout de votre attente, somme toute raisonnable, de voir l'intrigue enfin s'engager. En revanche, entre-temps, Adam Johnson va abondamment digresser, causer du sens de la vie, nous exposer extensivement ses considérations sur l'amour, la mort et les plantes d'appartement. Nous entretenir de ses angoisses de quadragénaire, de sa permissivité lunatique. Nous parler de l'autre aussi, qu'est méchant comme un teigne, qu'a marié la Denise, une fille de la ville, enfin… d'une autre ville. Enfin bref, Adam Johnson va nous raconter sa life. Alors oui, émergent de-ci, de-là quelques fulgurances, de jolies trouvailles ou une situation bien croquée, mais la trame qui relie entre elles ces rares perles est définitivement trop lâche pour qu'on puisse s'y raccrocher. Les no man's land qu'éclairent la lumière parcimonieuse de ces quelques phares pourraient effectivement évoquer la bienveillance sarcastique d'un Coupland, mais hélas Johnson n'a pas encore sa verve désinvolte (quant au génie de Vonnegut - aussi souvent évoqué à son propos - il nous reste pas mal de route à faire avant d'oser la comparaison sans sombrer dans le ridicule). A défaut d'être un roman branché, Des Parasites comme nous pourrait être un de ces romans vaguement culte pour slackers, dans la veine d'un James Flint, mais il lui manque pour ça la rigueur qui sait contraindre cette fausse facilité. Au final alors qu'il ambitionne de nous livrer le catalogue des angoisses d'une génération fatiguée de naissance, il ne parvient qu'à ébaucher la bobologie nombriliste d'une sous-catégorie marginale et suréduquée, pour qui la désillusion n'est qu'une commodité pour couper au plus court avec les contingences de la vie.

Cette deuxième découverte étrangère de l'année chez Lune d'Encres, risque d'avoir bien du mal à égaler les excellentes ventes de Ted Chiang, mais si effectivement Adam Johnson est bien cet auteur qu'on s'est plu à dire plein de promesses, d'évidence, ce n'est pas sur ce premier roman qu'il les tiendra.

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