Daisy Kutter - Le dernier train
Kazu Kibuishi est un dessinateur américain né à Tokyo en 1978. Après des études de cinéma, il commence sa carrière en tant qu’animateur, avant de se recentrer sur les comics. Il est à l’origine de l’anthologie
Flight, qui regroupe des histoires graphiques de jeunes auteurs et qui compte déjà 3 volumes. En 2004, Kibuishi publie son premier roman graphique,
Daisy Kutter : the last train, en 4 épisodes chez Viper Comics. Il est réédité en 2005 en un seul album. Son édition française,
Daisy Kutter : le dernier train, participe au lancement de la nouvelle collection Peps chez Albin Michel.
Un Far West futuristeDans un Far West futuriste où les robots côtoient les hommes et les chevaux, Daisy Kutter, ancienne hors-la-loi, tient une épicerie. Son ancien complice et amant, Tom, devenu shérif, veut l’embaucher en tant qu’adjointe, mais Daisy, bien qu’elle ait rangé les revolvers, s’y refuse. Suite à une partie de poker perdue, elle se retrouve engagée par un magnat de la sécurité pour attaquer son propre train, censé être imprenable.
Un album agréable et divertissantDaisy Kutter ne révolutionnera pas le monde de la BD, mais c’est un roman graphique agréable à lire. Son ambiance de western est très bien rendue, non seulement par les éléments habituels de ce type d’histoire - la ville avec ses maisons en bois encadrant une rue de terre, les chevaux attachés devant le saloon, les paysages de canyons et de désert avec les cactus… - mais surtout par ses cadrages : la plupart des cases sont en panoramique, rappelant les westerns du cinéma, avec quelques gros plans sur les visages typiques des duels de film. L’atmosphère, tour à tour étouffante ou humide, est servie par un noir et blanc tout en contraste : éléments de premiers plans nets et détaillés, arrières-plans flous et en dégradés. Ce désir de coller avec les canons du cinéma n’a pas toujours l’effet escompté : la partie de poker, qui prend beaucoup de place au début de l’album, n’arrive pas à nous captiver comme le font celles de
Maverick par exemple. Mais c’est excusable vu la difficulté de traduire une telle tension dans les dessins.
Autre point fort au niveau du dessin : les expressions faciales qui, malgré la simplicité du trait, sont très réussies, surtout au niveau du regard. Le lecteur s’attache ainsi facilement aux personnages qui paraissent profondément humains. Même si parfois, l’auteur s’amuse à exagérer les expressions, comme le font les dessinateurs de cartoons, afin d’introduire une pointe d’humour, montrant qu’il ne se prend pas au sérieux.
L’histoire se laisse suivre avec plaisir. L’introduction de robots dans ce monde de western est une trouvaille sympathique, et Kibuishi a le bon goût de découvrir son univers de façon progressive, sans nous matraquer son originalité dès les premières cases, au point que cela nous semble finalement naturel. Dommage que l’intrigue soit assez mince : il se passe peu de choses, l’auteur s’étant visiblement concentré sur l’aspect visuel. Le duel final, par exemple, manque de dynamisme, Kibuishi multipliant les cases pour figer le temps. C’est certes une caractéristique classique des films de western, mais en BD l’effet n’est pas vraiment convaincant.
Mais peu importe finalement, car on retire quand même de la lecture de
Daisy Kutter un plaisir non feint, qui tient autant à ses personnages attachants qu’à son univers visuel agréable. Kibuishi a dit sur un forum qu’il projetait de poursuivre les aventures de son héroïne. Espérons qu’il y parviendra et que cette suite traversera elle aussi l’Atlantique. A suivre sur
son blog.