Vathek

Vathek

Agé de 36 ans, Patrick Mallet, diplômé de l’ Esag, est l’auteur d’un triptyque sur Casanova, intitulé Les plombs de Venise. Adorateur Féru du 18 ème siècle, il signe un album resplendissant,
Vathek, adapté de l’œuvre éponyme de William Beckford, qui a donné le jour à son roman en trois nuits après une mémorable orgie, lors de sa vingtième année. Aussi, l’ouvrage permet de découvrir l’univers somptueux de cet artiste mal connu épris d’artifice, qui parcourut le monde au gré de ses rêveries et libertinages.

Un aller simple pour l’enfer

Il était une fois Vathek, calife de Samarah, aimant infiniment la chair, l’or et les femmes.
Tyran sans égal, un seul de ses regards peut foudroyer sur place le moindre sujet récalcitrant. Vaniteux d’entre les vaniteux, il édifie une tour n’ayant rien à envier à Babel, et au sommet de laquelle il se prend de passion pour les étoiles, dont la lecture présage la venue d’un étranger sur sa terre.
En effet , un jour , vint en son palais Giaiu, un nain aux yeux verts en forme de spirale, chargé d’une foule de curiosités, dont deux épées éblouissantes gravées de lettres mystérieuses. L’éclat de l’or aveugle le calife, qui se soumet à l’hindou dans l’espoir d’obtenir de plus grands trésors.
Mais c’est vers l’abîme des péchés que Giaiu, équivalent de notre gardien des enfers Hadès, amène le Calife. D’illusions en mensonges, de tentations en promesses mirobolantes, il pousse le prince à commettre l’irréparable, le péché d’entre les péchés :
Vathek blasphème Mahomet…
Le pacte signé par cet outrage, Le démon entraîne avec force ruse Vathek et ses proches au plus près du palais souterrain, en attisant leur avidité matérielle. Traversée du désert, infanticides, rituels de magie noire, le calife renie tout pour atteindre le zénith luciférien, l’antre du plaisir, parmi les mets délicats et l’incessant scintillement de l’or…

Modernité de la forme

Au-delà de l’histoire, finalement très classique, c’est l’esthétique qu’il faut saluer, par sa maîtrise et son audace, qui parviennent à traduire l’atmosphère magnifiquement cruelle du roman.. Au fil des pages s’étalent les princesses improbables, le faste et ses vertiges. Ironiquement, le péché s’en trouve sublimé, au sein d’une fable très religieuse…
On n’est pas au cinéma, mais c’est tout comme. Aussi, grâce au travail très vif et novateur sur les cadrages, Patrick Mallet donne à Vathek un écrin à la mesure de la luxure et de la profusion chère à Beckford.
Carré parfait, le choix même du format de l’album allonge horizontalement les vignettes, construisant des planches « cinémascope » qui laisse se déployer l’éclat du rouge, les nuits constellées, l’infini du désert et des abîmes…
Si c’était un film, ce serait une superproduction hollywoodienne, certes, mais où la modernité affleure grâce aux nombreux décadrages qui saisissent les visages et découpent les émotions au scalpel.
Enfin, Patrick Mallet fait preuve d’un art du montage qui dynamite les scènes d’actions. Ainsi, l’enchaînement des vignettes verticales constitue un pied de nez à la forme d’usage en bande dessinée.
Somptueuse et novatrice, courez achetez ce petit bijou !