La Cité Nymphale
Né en 1969 en Bretagne, Stéphane Beauverger suit une formation de journalisme pendant laquelle il a la chance d'avoir pour professeur le scénariste Pierre Christin (qui a notamment travaillé avec Bilal). Celui-ci l'encourage dans la voie de l'écriture et en 1996, Stéphane Beauverger débute comme scénariste dans le monde des jeux vidéos. Chromozone, son premier roman, sort en 2005 aux éditions La Volte. Dans le même temps, sa première BD paraît également : Necrolympia avec aux dessins Marc Jailloux.
Sous les arcs de Notre Dame de Paris
Dans un monde totalement dévasté, Cendre a trouvé refuge auprès du Pape Michel, dans ce qui reste de Notre Dame de Paris. Le lieu est un havre de paix où les rescapés du Chromozone, le virus qui a rendu fou l'humanité, peuvent venir vivre dans le calme leurs dernières années. Au moment d'en finir, il rencontre alors Cendre qui en leur ôtant la vie leur donne en quelque sort l'absolution de leurs pêchés.
Mais cette paix est précaire. L'arrivée de Roméo bouleverse la donne et met fin à cette période de tranquillité. Poursuivis par les Noctivores, lui aussi veut se placer sous la protection du Pape malgré l'hostilité de Lucie, la compagne très rock 'n' roll de Cendre. Mais outre les considérations personnelles, son arrivée est le signe avant coureur d'une dernière grande crise. Une crise qui pourrait enfin révéler son nom à Cendre.
Fin de partie mais...
Avec ce troisième tome, Stéphane Beauverger clôt sa trilogie en répondant à la plupart des questions qu'il avait laissé en suspens dans ses deux premiers tomes. Autant dire qu'il est indispensable pour ceux qui avaient lu les deux premiers ouvrages de Chromozone. Evidemment... Et vous ne serez sans doute pas déçus. Les visions de Stéphane Beauverger sur ce monde qui se relève tant bien que mal après le cataclysme du Chromozone sont toujours aussi passionnantes. Son Paris en ruine avec la nouvelle société qui naît autour de la Cathédrale de Notre Dame laisseront rêveur tous ceux qui connaissent bien le quartier. Ca sent les lendemains de cataclysme avec son odeur de mort, de violence, d'instinct de survie et aussi d'humanité. L'équilibre est fragile et les personnages n'en apparaissent que plus désespérés et passionnants. Même chose pour Brest et les lieux que ses héros traversent.
Et au-delà du paysage et des personnages, c'est l'enjeu de cette trilogie qui est passionnant. L'homme n'est-il capable que de violence ? Sommes-nous condamnés à s'autodétruire ? Avec en plus dans ce troisième tome la question de l'évolution de l'humanité. Les Noctivores qui agissent en groupe comme les sociétés d'insectes, mettant le collectif avant l'individu, sont-ils l'avenir de l'homme ? Rien qu'avec ces questions, Stéphane Beauverger renoue avec certains grands romans de science-fiction, bien servit par une belle plume qui ne s'exprime jamais mieux que dans les situations de crise. Il est brillant lorsqu'il s'agit de retranscrire les moments où les situations basculent dans la violence, où les armes sortent et le sang coule. Avec en prime quelques expressions et bons mots parfaitement rafraîchissant (notamment de la part de Lucie).
Le bémol, car il y a un bémol, ou plutôt plusieurs, c'est sans doute d'avoir cédé à la tentation d'avoir voulu aller un peu trop loin dans les explications. Le récit parallèle dans lequel on voit un homme rencontrer celle qui est à l'origine de la catastrophe planétaire est longuet et pas forcément utile. Quelques longueurs également dans certaines scènes qui auraient méritées d'être plus concises. Et puis un peu de naïveté dans certains retournement de situations. Le Pape Michel apôtre de la non-violence avait-il vraiment besoin d'envoyer Lucie chercher des mercenaires pour protéger Cendre ? Un acte dont il semble se repentir aussitôt. Dans un monde aussi violent, Richard, nouveau maire de Brest avait-il besoin de devenir un politicien corrompu avec des journalistes à sa botte et quelques dictons du style « En Bretagne, avec du beurre, tout est meilleur » ? Bref, il y a quelques virages un peu difficiles à négocier pour les lecteurs dans le récit. Stéphane Beauverger a peut-être trop voulu rassembler tous ses personnages et toutes les composantes de son univers pour un final qu'il voulait sans doute éblouissant.
Tant pis. Malgré ses défauts, on ne pourra que conseiller cette trilogie pour sa dimension et son ambition. Et l'on suivra avec intérêt les prochains ouvrages de Stéphane Beauverger. Un dernier mot sur le CD, déroutant et étrange, et dont on ne saurait que recommander l'écoute.