Fêlures
Stéphane Beauverger a peu de réalisations personnelles à son actif. Il doit à ses rencontres avec Mézières et Christin son goût pour l'écriture et la bande dessinée. Il commence à se faire connaître à la fois par ses romans (la série Chromosome) et les deux BD qu'il a scénarisé : Nécrolympia et Quartier M.
Cet album est le premier dessiné par Benjo et Zano.
Décadence
Dans le Quartier M, chacun se bat pour survivre. Les adultes sont frappés d'une terrible maladie qui leur fait tout oublier, y compris leurs enfants et même leur propre nom. Les enfants, dont le seul destin paraît de devenir un jour adulte - et donc d'oublier à leur tour - n'ont plus aucune espérance.
Malgré tout ceci, la société continue tant bien que mal à fonctionner, les plus vieux gardant comme des trésors des fiches contenant leurs souvenirs les plus importants. En apparence, la vie continue, bien qu'inéluctablement le système ne puisse aller que vers une destruction complète, comme ces immeubles qui se désintègrent sans raison à la périphérie.
Pour les adolescents, il n'y a que deux voies possibles. La première est de baisser les bras, d'abandonner l'espoir et de rejoindre les bandes de casseurs, les "Ranafout" qui accélère le mouvement de dégradations en détruisant tout ce qu'ils peuvent. La seconde est d'avoir foi en l'avenir, de croire dans le Doge, ce héros mythique qui a su dépasser les limites du quartier et réaliser des exploits incroyables. Mais peut-être ne s'agit-il que d'une invention pour les besoins d'une série télévisée et des vendeurs de boites de céréales ?
Dans ce crépuscule d'une société, deux amis,Maël et Mog, vont devoir trouver leur voie dans ce monde sans amour où la famille n'est plus qu'un souvenir disparu.
Un hybride qui se tient
Pour un début, que ce soit pour le scénario ou pour le dessin, il s'agit d'une belle opération. Les auteurs nous livrent un album de qualité, tant par l'esthétique que par le traitement du sujet.
Il s'agit d'une bande dessinée typique d'aujourd'hui, une construction hybride qui allie nos traditions occidentales avec les graphismes et les constructions venues de Corée et du Japon. Les références pullulent, l'ambiance mêlant le désespoir d'un Orange Mécanique avec celui d'Akira, les dessins inspirés de l'école des mangas coloriés informatiquement et construits d'une manière plus "classique" pour nous européens.
Evidemment, cet album n'est pas exempt de défauts. On sent bien une oeuvre jeune, une fougue et une envie de tout mettre dans l'histoire, au risque de trop brouiller le message et de perdre le lecteur. Il reste à vérifier dans les deux tomes suivant de cette trilogie si les auteurs sauront utiliser tout le matériel qu'ils nous ont créé dans ce premier opus pour générer une oeuvre complète et pérenne? En tout cas, avec ce premier tome, ils ont déjà bien commencé sur ce chemin.