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La Fille du roi des Elfes

Brigitte Mariot (Traducteur), Lord Dunsany ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 30/09/06  -  Livre
ISBN : 220725710X
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Aymeric   - le 27/09/2018

La Fille du roi des Elfes

Il faut remonter à l’entre-deux guerres pour trouver les origines de la Fantasy, essentiellement dans le monde anglo-saxon. A la même époque que Tolkien –voire même un peu avant-, le baron et poète irlandais Lord Dunsany se lance dans ce style naissant, participant à la création des bases de la Fantasy que nous connaissons aujourd’hui. La Fille du Roi des Elfes, publié en 1924, est considéré comme un chef d’œuvre de l’auteur, ainsi que l’un des premiers opus de fantasy : une fantasy archaïque, qui n’a pas encore trouvé tous ses ressorts mais se veut rattachée à une tradition d’aèdes gaéliques, et encore très imprégnée de la culture britannique classique.

« Quand tu auras franchi nos contrées familières »…

Tout est calme au pays des Aulnes, dans « nos contrées familières ». Trop calme. C’est pourquoi les notables du pays décident un jour de trouver le roi avec une requête hors du commun : ils veulent introduire la magie dans la vallée des Aulnes, afin que leur pays soit enfin considéré avec plus de déférence par ses voisins. Ils veulent un roi doté de pouvoirs.

Sceptique mais attentif aux attentes de son peuple, le bon roi charge alors le jeune prince Alvéric, son fils, de parcourir le royaume jusqu’à la frontière crépusculaire : une frontière magique faite de brumes enchantées, qui sépare nos contrées familières du domaine fabuleux et atemporel du roi des Elfes. Arrivé au « palais dont ne parlent que les chansons », Alvéric devra épouser la fille du Roi des Elfes, qui donnera ainsi à la lignée royale une descendance douée de magie.

Séduire et épouser la belle Lirazel n’est pas le plus difficile : il s’agit ensuite de surmonter les difficultés et les différences. Ce sont ces différences qui provoqueront une incompréhension croissante au sein du couple. La fureur du roi des Elfes finit alors par triompher, et celui-ci ramène sa fille auprès de lui par magie.

Commence à ce moment une quête désespérée pour Alvéric, qui n’aura dès lors de cesse que de rechercher la frontière crépusculaire, désormais insaisissable. Le jeune Orion, né auparavant de l’union d’Alvéric et de Lirazel, grandit alors seul au royaume des Aulnes dont il devient le seigneur. Le prince découvre les plaisirs de la chasse et la culture humaine, jusqu’à ce moment où il ressent l’appel étrange de la frontière crépusculaire tant recherchée par son père…

Le premier âge de la fantasy

La Fille du roi des Elfes est un ouvrage déroutant, du fait en particulier de l’absence des références auxquelles le lecteur de fantasy, est habitué.

Il faut d’abord souligner que Lord Dunsany se veut avant tout poète. L’intrigue n’est pas la finalité du livre, l’auteur se concentrant plutôt sur l’aspect poétique de la fantasy, en narrant des histoires réelles auxquelles nos esprits se sont fermés du fait de la modernité. Il faut réapprendre à ouvrir son esprit et à redécouvrir la beauté de nos paysages (enfin des paysages british…), tel est le message de Dunsany.

En fait, le style et l’univers même de Dunsany donnent l’impression que l’auteur cherche constamment à légitimer la fantasy en formant ces ponts entre le monde où nous vivons et le monde enchanté, qui s’avère en définitive être un monde refuge pour toutes créatures non terrestres issues de nos mythologies.

D’ailleurs le livre entier, on le sent très bien, est écrit pour un public précis fait d’aristocrates britanniques, ou au moins de la bonne société presque encore victorienne des années folles au Royaume-Uni. L’éloge de la chasse à cour par exemple rattache clairement le livre à une tradition aristocratique à l’anglaise de proximité de la nature, avec par exemple l’exultation du prince lorsqu’il sonne l’hallali à la fin de la traque d’une licorne. Mais cela ne correspond plus aux standards actuels, et peut paraître assez choquant.

A cela s’ajoutent plusieurs éléments troublants sans doute liés à cette poétisation intensive (et parfois excessive). Les elfes par exemple, contrairement aux stéréotypes de Tolkien, sont loin d’être parfaits. Ils sont indifférents vis-à-vis de l’humanité, avec parfois une touche de cruauté et un rapport au temps original : ils ne sont en effet pas immortels, mais atemporels, c’est-à-dire que le temps –et donc, en l’occurrence, l’activité- n’existent pas dans le royaume des elfes. D’où une attitude contemplatrice figée de leur part, un peu dérangeante. Tout cela donne parfois l’impression laborieuse de lire la Bible (uniquement pour le côté littéraire, s’entend) : vous en faites trop, Edouard !

Intéressant…

En définitive La Fille du roi des elfes est plus intéressant à lire que plaisant : il permet de comprendre un certain nombre de choses sur l’évolution du genre depuis sa création, mais on n’y trouvera pas les subtilités de Tolkien ni la cohésion de ses mondes. En quelque sorte, c’est plus un livre fantastique dont l’action se trouve être au Moyen Âge qu’un livre de Fantasy comme nous les connaissons.

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