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Biotope 1

Laurence Croix (Coloriste), Brüno (Dessinateur), Appollo (Scénariste)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/12/06  -  BD
ISBN : 2205058614
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Lavadou   - le 31/10/2017

Biotope 1

Né en 1969 en Tunisie, Olivier Appollodorus, dit Appollo, a commencé sa carrière BD en créant le fanzine Le Cri du margouillat sur l’île de la Réunion. En 1991, il scénarise la série Louis-Ferdinand Quincampoix chez Vents d’Ouest, avec Mad au dessin. Devenu professeur de lettres, il se distingue en 2003 avec La Grippe coloniale, BD dessinée par Serge Huo-Chao-Si et qui obtient le prix de la critique du Festival d’Angoulême en 2004. Cette année, outre Biotope, il scénarise Ile Bourbon 1730 avec Lewis Trondheim aux pinceaux.

Brüno, né en Allemagne en 1975, sort sa première BD, In Articulo Mortis, en 1996 aux éditions La Chose. Après plusieurs albums publiés chez cet éditeur, dont Le Guide crânien, Brüno arrive chez Treize étrange où il dessine et scénarise la série Nemo (4 tomes aujourd’hui), avec Laurence Croix aux couleurs, qu’il retrouvera sur Biotope.

Enquête en milieu végétal

Biotope est une station scientifique isolée sur une planète entièrement recouverte de forêt. Le commissaire Toussaint, un homme trapu et ronchon qui déteste la nature, est envoyé sur place avec deux inspecteurs, Langevin et Eunice Rouget, pour élucider un meurtre. Dans ce milieu fermé où tout le monde se connaît et où les ressentiments peuvent jaillir à tout instant, les policiers, taraudés par l’ennui, ont du mal à démêler l’affaire.

Un graphisme simple mais efficace


L’histoire a beau se passer dans le futur, Brüno a appliqué un style graphique complètement à contre-pied des BD de SF actuelles aux dessins précis et riches en détails. Ici, on se croirait plutôt retourné dans les années 70 : décors simples limite stylisés, personnages aux coupes de cheveux afros ou à la banane surdimensionnée, flics en costume noir rappelant les héros de Tarantino, couleurs aux tons vert pâle, orange ou mauve qui évoquent aussi bien la forêt recouvrant la planète de Biotope que les années disco… Tout est fait pour plonger le lecteur dans une ambiance atypique et exotique mais néanmoins très prenante et efficace. Brüno arrive ainsi à nous faire ressentir l’atmosphère oppressante de la station qui s’abat sur les flics, écrasés par les grands espaces qui entourent les bâtiments ou qui les emplissent – peu de mobilier dans des pièces immenses et nues. Cette impression de vide est renforcée par un découpage assez statique procurant une lenteur visuelle mais absolument pas ennuyeuse en raison du dynamisme des dialogues. Ce découpage est par ailleurs bien équilibré, enchaînant les différentes séquences avec le même rythme et le même soin.

Les dessins de Brüno, simples mais agréables à l’œil, constituent un cadre particulièrement approprié au scénario d’Appollo.

Une enquête classique dans un milieu original…


Le scénario commence sur une enquête plutôt classique, avec des personnages aux caractéristiques très marquées : le commissaire bougon, l’inspecteur un peu mystérieux fana des armes à feu, des scientifiques affables mais dont on sent qu’ils cachent quelque chose, ou du moins qu’ils ne disent pas tout aux policiers… On se laisse donc guider en terrain connu, on ne s’attend pas à de grosses surprises mais les dessins sont suffisamment sympathiques pour qu’on apprécie chaque planche de l’album. D’autant plus qu’Appollo emploie un ton ironique voire cynique dans les dialogues, donnant une note d’humour appropriée à ce type d’histoire : « Il y a de la végétation partout, de superbes installations sportives et on n’a pas le droit de fumer. On plie l’enquête rapidement et on fiche le camp vite fait. Je vous le dis, les gars. » Cette distanciation un peu cool et nonchalante n’empêche pas les personnages d’avoir une certaine profondeur, en particulier parce qu’Appollo, par petites touches, nous laisse entrevoir les liens affectifs et les tensions qui peuvent exister entre Toussaint et Eunice. Enfin, Appollo en profite pour glisser quelques critiques sur la gestion écologique de notre bonne vieille Terre : « Nous savons tous ce qu’est devenue la Terre : un désastre écologique. Personne ne veut que ça se reproduise ici ». Cette dimension écologique latente donne un peu de sens au récit et l’on sent qu’elle peut prendre plus d’importance par la suite.

… Mais ne vous y laissez pas prendre !


Une bonne petite enquête pépère et sans surprise, donc, c’est ce que l’on pourrait penser à la lecture des premières planches de l’album… Eh bien, on aurait tort ! Appollo a mitonné une fin particulièrement inattendue, provoquant une rupture qui relance complètement l’histoire, brouillant les repères que l’on s’était fabriqués tranquillement au fil des cases. Le rythme s’accélère et la BD change de direction, nous laissant presque le souffle coupé.

L’arbre qui cache la forêt


Ainsi, Biotope est une BD originale par son dessin qui sort des conventions du genre, mais également par son scénario qui, sous des airs relativement connus, compose un final éblouissant. Un premier tome habile cachant jusqu’au dernier moment ses intentions et qui nous laisse, complètement harponnés, dans l’attente d’une suite qui promet d’être haletante.

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