Les Véritables Légendes Urbaines

Eric Corbeyran est un scénariste qui aime essayer de faire peur à ses lecteurs. Son énorme bibliographie contient pas mal de titres fantastiques comme Asphodèle ou La Loi des Douze Tables. Avec ce nouvel album, il est beaucoup plus ancré dans la réalité en explorant les légendes urbaines. Il y met en scène avec Rémi Guérin quatre légendes avec des dessinateurs différents (Damour, Formosa, Guérineau et Henriet) sous la houlette de Jean-Bruno Renard, professeur de sociologie à l’université de Montpellier et spécialiste de la question.

L’horreur derrière la porte

Les quatre récits nous entraînent donc dans le monde des légendes urbaines, un mystérieux narrateur faisant le lien entre les différentes histoires. Dans la première, La baby-sitter, une jeune femme reçoit de mystérieux appels téléphoniques alors qu’elle révise ses cours au rez-de-chaussée d’une maison et que les enfants dorment paisiblement dans leur chambre à l’étage. Et à chaque fois la même question est posée au bout du fil par une voix effrayante : « Etes-vous allée voir les enfants ? »...

Dans la deuxième histoire, une autre jeune femme passe la soirée en solitaire dans son appartement quand la poignée de la porte principale s’abaisse brusquement... Mais qui est derrière la porte ?

Pour le troisième récit, une jeune femme encore une fois (décidément, la peur se conjugue au féminin) croupit dans une chambre d’un hôpital psychiatrique. La faute à des terreurs nocturnes qui l’empêchent de dormir. Des terreurs qui remontent loin dans son enfance.

Gil Formosa termine cet album par une histoire qui met en scène le gang des phares. Un gang qui, à bord d’un énorme 4x4, s’amuse à percuter des véhicules qu’ils croisent la nuit sur de petites routes désertes. Une légende que ferait bien de croire une jeune serveuse si elle veut rester en vie...

Presque raté

L’idée de base de cet album est plutôt alléchante. Les Légendes Urbaines sont un excellent matériel pour des histoires de psychopathes et le niveau des dessinateurs présents au sommaire faisait espérer de belles choses au niveau graphique.

On ne peut que constater qu’une partie du contrat est bel et bien rempli. La mise en couleur est plutôt belle et les dessinateurs ont plutôt réussi leurs histoires. Même si on peut un peu regretter une certaine ressemblance dans les styles des trois premiers récits. Seul Gil Formosa a su tirer son épingle du jeu avec un trait qui rappelle les couvertures des romans et les BD spécialisées justement dans l’horreur. Un style très pulp avec des personnages caricaturaux mais parfaitement exécutés. On se régale des mimiques de Billy par exemple ou de la plastique surfaite de la jeune et jolie serveuse Connie.

Malheureusement côté histoires, on reste à chaque fois un peu sur notre faim. Le format court ne permet pas vraiment des développements qui aurait pu nous plonger encore un peu plus dans l’ambiance et peut-être, nous faire vraiment peur. Là on est dans le convenu. Résultat on se prend un peu au jeu à chaque fois et le souffle retombe. L’album est donc en demi-teinte. Autre petit reproche, la volonté de tout montrer de la part des auteurs. Peut-être aurait-il fallu en cacher un peu plus pour faire monter la pression... A noter quand même le texte passionnant de Jean-Bruno Renard qui offre une vision universitaire passionnante sur les légendes urbaines.

Lorsque l’on referme l’album, le contrat est donc à moitié rempli. On a eu quelques frissons mais sans plus. Et graphiquement on a vraiment été épaté que par Gil Formosa. La coupe est à moitié pleine. En espérant que pour le prochain tome, on la voit de manière positive.