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Alisandre le Bel

Guillaume Sorel (Dessinateur), Mathieu Gallié (Scénariste)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 30/04/07  -  BD
ISBN : 9782756006109
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Christian   - le 31/10/2017

Alisandre le Bel

C’est rare, mais ça existe. Alors profitez-en ! C’est signé Mathieu Gallié et Guillaume Sorel. Ces deux artistes nous avaient habitués à la BD 5 étoiles avec les quatre premiers tomes de la série Algernon Woodcock. Et là, nous approchons du sommet. Le scénariste Gallié (Mangecoeur, Wendigo) est en pleine forme. Le dessinateur Sorel (Amnésia, L’île des morts, Mens Magna) n’est jamais aussi à l’aise qu’avec des personnages surnaturels et des décors fantastiques. Alors il s’en donne à cœur joie.

Bien sûr, vous pouvez lire l’histoire, elle vaut le détour. Mais vu la qualité graphique de l’ouvrage, il est conseillé de parcourir l’album et de déguster les images juste pour le plaisir. Sans le son. Vous pouvez y passer le temps que vous voulez car Alisandre est assurément l’album le plus bel d’une série parmi les plus belles qui soient.

Punir Alisandre

Dans les précédents ouvrages, Algernon Woodcock, le médecin nain, voyait, avec son nouvel œil (l’œil Fé), des êtres qui vivent en lisière de notre univers, dont il avait parlé dans son délire à Oban, en Ecosse. A travers Alisandre le Bel, c’est l’histoire de ces êtres et de la malédiction de l’île d’Arran qui  nous est contée.

Dame Deirdre rencontre Segwarides, un compagnon félon du Bel, qui lui rappelle dans quelles conditions les êtres surnaturels ont été trahis par la reine Keridwen et, en fait, par Alisandre. Comment ils ont été déchus, condamnés à errer dans ce monde. Et comment le Bel fut réduit par Keridwen à une ombre condamnée à s’abreuver de sang pour survivre.

Pour le compte des tisseurs, des sème-la-mort viennent punir ou récompenser ces créatures et, suivant ce qu’elles ont accompli, les renvoyer sur les terres éternelles ou les laisser hanter à jamais le néant. Dame Deirdre et le Fé Browne viennent juger Alisandre. C’est le tisseur chat qui les envoie. Mais l'accusé, toujours assoiffé de sang  et protégé par des goblins et des ogres, a de quoi les détruire.

De la belle fantasy sans Algernon Woodcock

De l’atmosphère fantastique et policière des premiers albums, le scénario vire à la fantasy. Algernon Woodcock a disparu (une seule apparition en dernière page). Des créatures à la Tolkien se livrent désormais un combat sans merci. Comme il s’agit d’expliquer, de faire découvrir un monde caché, sur-jacent, l’album tranche avec les autres de la série. Et quand on dit « tranche », ça y va gaiement. Un coup de hache par ci, un coup de sabre par là. Certaines pages sont rouges d’éclaboussures. On commence par du fantastique : les pulsions vampiriques d’Alisandre dans une atmosphère de château écossais, mais on bascule vite dans la fantasy.

Le récit est bien scénarisé. Les enchaînements sont bien préparés. Les actions parallèles renvoient les unes aux autres. Le fil de l’histoire éclaire progressivement l’univers surnaturel tout en ménageant des attentes et des zones d’ombre (les tisseurs, les liens avec le vécu d’Algernon). Les personnages, en eux-mêmes, ne sont pas très originaux, mais le scénario est maîtrisé et intelligent. Riche sans être confus.

Quant au dessin, on atteint la prouesse. L’univers graphique est en totale résonance avec le récit. Suivant les personnages, le contexte, leur état d’esprit, la mise en page, les couleurs et les formes des phylactères changent. La mise en cases varie et utilise des éléments du décor (une tâche de sang, la forme des arbres). Les angles de vue sont variés avec de beaux cadrages sur les pièces du château. Les corps sont soignés (abondance de plis pour les vêtements et les muscles). Les visages, bien faits, sont peut-être ce qu’il y a de moins réussi (forme des nez, expressions), mais plus Sorel les enlaidit et plus ils deviennent esthétiques. Le chat est superbe (cf. la couverture).

Le plus beau, c’est le jeu des couleurs et des ombres (signées Sorel également). Les actions se déroulent la nuit, à l’intérieur d’un château et dans des souterrains. Les seules lumières sont celles des flammes, des éclairs magiques et de la lune. Les moments du récit sont faits d’opposition de couleurs, qui, en elles-mêmes, ont une valeur narrative. Le bleu de la nuit contre le rouge de la fureur. L’ocre de la mort contre le rouge  sang. Le bleu sombre de la vérité contre le blanc de l’irréel. Il n’y a presque pas de vert. Couleur de la nature, de l’extérieur et de l’espoir.

Alisandre le Bel ? Une très belle histoire. Un chef-d’œuvre graphique.

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