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Des fantômes et des hommes

Zerriouh (Dessinateur), Michel Woui (Scénariste), Irons.D (Scénariste)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 16/05/07  -  BD
ISBN : 2731619600
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Lavadou   - le 27/09/2018

Des fantômes et des hommes

Zerriouh fait ses débuts dans la BD en 1994 (fanzine Krom). Passionné de manga, il tente d’imposer un style « à la française » avec Metro-City 2097 en 1997. Après deux albums de Léa Parker en tant que coloriste et deux albums de la série Eloïms avec Isabelle Plongeon et Emmanuel Pinchon, il dessine le premier tome de Kenro, pré publié dans le magazine Shogun Mag. On ne sait pas grand-chose de ses scénaristes, Michel Woui et Irons.D, ce dernier étant scénariste de la série Holy Wars, dont le premier tome a paru chez les Humanoïdes Associés cette année.

Des fantômes à Lyon

Gare de Lyon Part-Dieu, 2048. Des créatures ressemblant à des loups-garous ont envahi les lieux. La brigade LCS (1), département secret de la police luttant contre les phénomènes surnaturels, y est en difficulté. Surgit alors Kenro, mystérieux personnage qui semble savoir se battre contre ce genre de monstres, et qui parvient à les vaincre. Le sergent Abby Lepark, jeune femme de la LCS dirigeant la mission, tente d’arrêter Kenro, qui lui échappe. Leurs chemins se croiseront de nouveau lors d’une affaire d’immeuble hanté.

Mauvais clichés et références douteuses

Le projet de Kenro, initié par Zerriouh, semble s’être monté un peu à la va-vite. C’est du moins ce que laisse penser le making-of à la fin du livre, dans lequel Michel Woui révèle que lui et Irons.D ont été engagés « à l’arrache » (sic). Ceci explique cela, à savoir un scénario moyen, peu original, bourré de clichés éculés (la flic sexy en mini-jupe – même en pleine mission –, la journaliste fouineuse, les fantômes défendant le souvenir d’un passé douloureux, le héros ténébreux…). Mais l’urgence n’excuse pas tout. Les auteurs nous gratifient de quelques passages plutôt naïfs qui donnent certes un sens à l’histoire, mais aucune profondeur : « Je ne me bats pas pour toi, mais pour un idéal dont tu fais partie. Une terre, où naturel et surnaturel puissent cohabiter, où l’on jugerait une créature sur ses actes et non plus sur sa nature ». Et ils nous bombardent de références, que ce soit dans les décors (où Zerriouh semble avoir placé tout ce qu’il aime dans la vie) ou les noms des personnages, comme celui de la journaliste, Eva Gelyon (affligeant…). A tel point qu’on est proche de l’overdose…

Mais peut-être n’ai-je tout simplement pas accroché au ton avec lequel l’histoire est racontée. Michel Woui explique qu’ils ont voulu faire un manga comique. Si humour il y a dans Kenro, il a peu de chances de faire mouches auprès des plus de seize ans. Les répliques se voulant drôles tombent complètement à plat. Mais là encore, le making-of nous est d’un grand secours : Woui cite tour à tour Franck Drebin (le flic des Y a-t-il un flic pour sauver…), The Rock, Patrick Swayze et Bruce Willis… et nous commente une case mémorable du manga : « Ainsi, [Kenro] n’hésite pas à attaquer les parties génitales. C’est drôle, crade et efficace ». Le doute n’est plus permis : ce manga a été fait pour des ados (2).

Seul le personnage de Kenro, quand il ne fait pas le malin, éveille un léger intérêt : atypique, au passé mystérieux, il est le seul élément positif du manga. Malheureusement insuffisant pour relever le niveau…

Un graphisme amateur

Et ce n’est pas le graphisme qui va y parvenir. Les dessins sont tout au plus conformes aux codes du genre, au pire mal exécutés. Notamment, si les visages de face sont plutôt soignés, ils le sont nettement moins de profil ou en pleine action. Les décors sont minimalistes et parfois scolairement réalisés (Zerriouh travaille dans le bâtiment et ça se voit), les scènes d’action sont brouillonnes et déforment bizarrement les anatomies.

Tout ceci donne l’impression d’un travail d’amateur. Mot à prendre à son sens premier (« celui qui aime ») : Zerriouh ne manque pas particulièrement de talent mais, en bon amateur de mangas, il se contente de reproduire ce qu’il aime au risque de se limiter, de s’imposer un style qu’il ne s’approprie pas complètement. La preuve la plus flagrante est l’utilisation du mode « humour » dans certains dessins : personnages rapetissés, simplifiés et clownesques, coup de la mouche semant des points imaginaires, ou de la goutte de sueur démesurée symbolisant l’embarras. Nouvelle preuve que ce manga s’adresse à une cible jeune et peu exigeante.

Un enthousiasme difficilement communicatif

On ne peut pas le nier, Kenro est le produit d’une collaboration enthousiaste entre ses auteurs. Les références visuelles distillées par Zerriouh dans les décors, ou le journal de Woui (qui se livre à une explication de texte aussi longue qu’ennuyeuse), en fin de volume, en sont la preuve. Mais cet enthousiasme a du mal à nous atteindre, et ne fait pas de Kenro un bon manga. Son humour de cour de collège amusera peut-être un public adolescent, plus réceptif à ce genre d’histoire et de traitement. Mais la collection Shogun des Humanoïdes Associés a produit de biens meilleurs éléments que celui-ci.


(1) Lutte Contre le Surnaturel, selon l’éditeur, ou Lyon Contre le Surnaturel, selon Michel Woui. Quitte à choisir un nom ridicule, ils auraient pu se mettre d’accord…

(2) Au vu de ces passages, j’aurais même tendance à dire « par des ados », mais aucun indice biographique sur les auteurs ne me permet de l’affirmer...

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