Séparations
Né un 17 juillet en 1957, Jean-Claude Dunyach est un auteur français de SF qui s'est essentiellement distingué en écrivant des nouvelles. De véritables petits bijoux qui ont incité les éditions de L'Atalante à en publier l'intégrale dans de petits recueils, Séparations étant le sixième. Des nouvelles qui, chose rare pour un français, sont aussi régulièrement publiées outre-Atlantique. Toujours côté science fiction, Jean-Claude Dunyach est également l'auteur d'une poignée de romans (dont Etoiles mourantes avec Ayerdhal) et le directeur de la collection SF aux éditions Bragelonne.
Une place pour chaque chose
Première nouvelle éponyme de ce petit recueil (126 pages), Séparations nous emmène dans l'espace profond avec un artiste qui s'impose dans la cabine du commandant d'un vaisseau spatial. Alors que les autres passagers dorment paisiblement dans les soutes, lui veut voir ce qui se passe lorsque l'appareil passe dans la "Singularité". Un moment étrange et magique mais qui n'est pas sans conséquence sur l'esprit humain. Un récit qui est également une rencontre entre un artiste qui se comporte en diva et un vieux capitaine un peu désabusé...
L'artistique est aussi au coeur d'Autoportrait, la dernière nouvelle du sommaire. Elle met en scène un artiste qui n'hésite pas à s'amputer pour offrir ses membres à sa reproduction en cire dans un musée. Le geste ultime dans sa démarche. Une nouvelle qui remue profondément le lecteur en le bousculant. Elle fait écho à La Tête et la main de Christpher Priest. Un récit dans lequel un artiste fait lui de chaque amputation un happening médiatique. Ecrits avec 14 ans d'écart (et sans que l'on puisse ne serait-ce que supposer que l'un ait influencé l'autre), ces deux textes donnent à réfléchir sur la démarche artistique. Jusqu'où peut-on aller pour son art ? Ils font en tout cas aussi froid dans le dos l'un que l'autre, tout comme La Ronde de nuit. Jean-Claude Dunyach y dresse en quelques pages le portrait d'une société absurde dans laquelle la vie ne peut que se finir dans une arène de cirque, avec la mort comme ultime échappatoire. Libellules n'est guère plus gaie avec le face à face entre un homme et une jeune femme armée dans un décor étrange... Un face à face qui risque d'être mortel. Quant à Trajectoire de chair, s'il s'agit également de science fiction, l'issue de ce récit avec pour héros un travailleur de l'espace, est moins tragique et plus étonnante...
Le reste du recueil (deux nouvelles) tient plus de la fantasy. Avec Une place pour chaque chose (le seul texte inédit), notre auteur nous emmène dans les galeries souterraines d'une mine gigantesque dans laquelle un troll manage une équipe de nains. Sa seule difficulté, les empêcher de trop creuser et d'exploser leurs quotas. Les ennuis commencent lorsqu'une licorne, animal fétiche des mineurs, est retrouvée morte écrasée... Un texte qui sous son humour, rit jaune du fonctionnement abérant des grands entreprises. Le dernier, La Chevelure du Saule, est lui plus poétique avec un meunier qui fait appel à un drôle de personnage pour se débarasser d'un saule et de la créature qui vit dans ses branches.
Du bonheur. Beaucoup !
Les recueils de Jean-Claude Dunyach sont toujours de grands moments de plaisir. Ils nous rappellent combien l'auteur est bon dans le format court. Séparations en est une nouvelle fois la preuve. C'est l'occasion de relire certaines perles et de goûter à des textes inédits ou peu diffusés. Ils confirment également le penchant fantasy de Jean-Claude Dunyach sur ces dernières années (La Chevelure du Saule et Une place pour chaque chose). Une ouverture intéressante à observer avec de l'humour en prime et toujours autant de talent et de précision dans son style et ses intrigues. Espérons qu'il ait encore dans ses cartons et son imaginaire (pour les futurs inédits) beaucoup de recueils de ce type à nous offrir. Car c'est à chaque fois un grand bonheur. Il sait fabriquer des scènes magnifiques et tisser des ambiances avec ce qu'il faut de poésie, de couleur et de cruauté pour qu'elles deviennent inoubliables. On se souviendra encore longtemps des mutilations de l'artiste dans Autoportrait ou de la danse des I. A. dans Sépartations. Un recueil aussi indispensable que les cinq précédents.