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Les Cométaires

Pierre-Paul Durastanti (Traducteur), Corbis (Illustrateur de couverture), Jack Williamson ( Auteur), A. Tranchant (Traducteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 05/07/07  -  Livre
ISBN : 9782070309610
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Lavadou   - le 31/10/2017

Les Cométaires

Il y a presque un an, le 10 novembre 2006, Jack Williamson disparaissait à l’âge de 98 ans. Cet auteur américain participa à l’essor de la science fiction aux Etats-Unis. Il publia sa première nouvelle, The Metal Man, en 1928 dans le magazine Amazing Stories. Depuis, il a écrit une cinquantaine de romans, dont La Légion de l’espace et ses suites, ainsi que l’excellent Plus noir que vous ne pensez. Il collabora notamment avec Frederik Pohl, et reçut le prix Hugo de la meilleure novella en 2001 pour The Ultimate Earth. Parallèlement, il poursuivit une carrière universitaire à l’université du Nouveau-Mexique.

La Légion face à une nouvelle menace

Depuis que John Star a sauvé Aladoree Anthar des griffes des méduses de Barnard, et par la même occasion a sauvé l’humanité, la Légion a été reconstituée avec à sa tête Jay Kalam. Bob, le fils de John, veut faire carrière dans la Légion mais, étant le futur gardien de l'arme absolue AKKA, son père le surprotège. C’est alors qu’une comète gigantesque entre dans le système solaire, et que ses habitants invisibles visitent les planètes humaines en dérobant divers secrets. L’un d’eux concerne un prisonnier spécial que tout le monde craint, y compris la Légion. C’est l’occasion pour Bob de montrer à son père qu’il peut être digne d’une mission dangereuse.

Le lecteur face à une nouvelle déception

Peut-être y a-t-il un ordre à suivre pour lire Williamson. Quand on commence avec Plus noir que vous ne pensez, malgré les quelques défauts du livre, on pense avoir découvert un auteur à part. Et puis quand on enchaîne avec La Légion de l’espace, on se demande s’il s’agit bien de la même personne. Certes, ce space opera a été écrit il y a plus de soixante-dix ans. Certes, les deux histoires sont complètement différentes, même si on retrouve un style similaire. Mais du point de vue de la qualité, on est loin du compte. Et Les Cométaires ne vient pas relever le niveau.

Ce qui frappe tout d’abord à la lecture des Cométaires, comme dans La Légion de l’espace, c’est le vocabulaire très noir employé par l’auteur. Celui-ci nous assomme d’une surenchère d’épithètes à caractère sinistre visant à provoquer l’angoisse chez le lecteur, alors que le plus souvent la situation ne le justifie pas. Les « effrayant », « frayeur » et autres « terrifiant » répétés à tire-larigot imposent une atmosphère artificielle de perpétuel danger, si bien qu’on a du mal à y croire et à se prendre au jeu. Notamment, à travers le personnage de Giles Habibula, qui geint en permanence, Williamson imagine toujours le pire au point de paraître parfois ridicule. Au début on se demande si c’est volontaire, mais rien ne vient confirmer cette hypothèse…

Cette atmosphère monolithique s’accompagne d’un décor restreint. Williamson n’est pas malhabile pour décrire l’environnement de certaines scènes, mais son univers est peu étoffé, présente peu de lieux et de personnages. Par exemple on ne sait rien de ce qui se passe sur Terre : comment les gens réagissent-ils à la menace de la comète ? Sont-ils déjà tous morts ? La volonté de l’auteur de se concentrer sur ses héros nous empêche de comprendre les enjeux de leur mission. C’est comme si l’humanité n’était constituée que d’une dizaine de personnes…

Enfin, l’intrigue elle-même manque profondément de crédibilité. Non pas que Williamson soit à court d’idées. Mais il a beaucoup de mal à les articuler et utilise des ficelles parfois totalement aberrantes. Ainsi, presque toutes les situations critiques sont résolues par le talent de Giles Habibula qui consiste à… ouvrir les serrures avec ses doigts ! Une fois ça va, mais cinq ou six fois… Sans compter une utilisation parfois douteuse de la technologie, Williamson ne perdant pas de temps à ébaucher une quelconque explication scientifique (voir AKKA, arme de destruction massive fabriquée avec trois bouts de ficelle et deux paillettes de fer). De plus, l’évolution de l’intrigue est très basique, se fait par à-coups : chaque solution apportée à une énigme ou à un danger mène immédiatement à une nouvelle impasse. Si bien que même le côté aventurier de l’histoire manque de piquant.

Ce qu’il y a à sauver

La déception est grande, donc. Et c’est bien dommage, car Les Cométaires comporte quelques éléments positifs et intéressants.

Tout d’abord, Williamson a judicieusement choisi de changer de héros. C’est Bob Star qui devient le personnage principal, son père étant relégué au rôle de figurant. Cela permet de renouveler un peu l’intérêt du lecteur, qui se rend compte au final que le véritable héros de l’histoire, c’est le trio Jay Kalam / Giles Habibula / Hal Samdu. De plus Bob Star n’a pas la même personnalité que son père, c’en est même plutôt un reflet inversé : alors que John était l’archétype du héros invincible dans La Légion de l’espace, Bob est lâche par contrainte hypnotique, incapable de tuer. John quant à lui est devenu un militaire obtus, colérique et borné, partisan de frappes préventives contre un ennemi indéterminé. Il surprotège son fils en jouant un rôle moralisateur, provoquant des conflits père/fils qui auraient pu être intéressants s’ils avaient été mieux développés. Mais tout ceci reste superficiel, il est dommage que l’auteur n’ait pas creusé ce thème du vieillissement de John.

Ce traitement à contre-pied des héros dénote une volonté de l’auteur de ne pas édulcorer son récit, volonté qui se retrouve par petites touches tout au long du roman. Ainsi parle-t-il de cannibalisme, d’homosexualité, et évoque même un semblant de complexe d’Œdipe chez Bob Star :
« Il l’embrassa. L’émotion lui étreignait le cœur. La beauté de sa mère lui apparaissait à travers un voile de larmes.
‘Ma mère si belle, si belle’, murmura-t-il. Puis, tout d’un coup, gêné, il se recula pour la dévisager. »


Pour finir, et malgré la pauvreté de son univers et la faiblesse de son intrigue, accordons à Williamson un talent dans la description des décors ou de certains phénomènes. A défaut d’un sens scientifique aigu, l’auteur possède un sens esthétique plutôt bien développé et sait imposer de belles images, souvent empruntes d’obscurité, comme celle de l’intérieur de la comète à la fin du roman.

Un roman médiocre

Serait-on passé à côté d’un quelconque second degré ? Ou bien ce roman pâtit-il tout simplement de la jeunesse du genre ? Quoi qu’il en soit, malgré quelques points positifs et même en faisant preuve d’indulgence au regard de sa date de rédaction, Les Cométaires est un roman médiocre et dispensable, sauf peut-être pour ceux qui veulent parfaire leur culture historique du space opera.

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