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Seul contre la Légion

Pierre-Paul Durastanti (Traducteur), Jack Williamson ( Auteur), Getty Images (Illustrateur de couverture), Georges H. Gallet (Traducteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 27/09/07  -  Livre
ISBN : 9782070309603
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Lavadou   - le 31/10/2017

Seul contre la Légion

Jack Williamson, né en 1908 et mort l’an dernier, marqua la science-fiction américaine avec des titres comme Plus noir que vous ne pensez (1940), Les Humanoïdes (1949), ou la série de Ceux de la Légion (trois tomes entre 1934-1939, puis un quatrième tome en 1982, non traduit en France). Folio SF en réédite ici le troisième volume, Seul contre la Légion. La trilogie avait déjà été rééditée par Le Bélial en omnibus en 2004.

Pourchassé par la Légion

Chan Derron est un légionnaire promis à un grand avenir. Grand, fort, malin, rapide – le parangon du héros de space opera, quoi. Seulement voilà : alors qu’il doit protéger un scientifique, inventeur d’une arme ultra puissante, il se fait surprendre par un mystérieux ennemi. Le professeur est retrouvé assassiné et l’arme a disparu. Pire, tous les indices portent à croire que Chan Derron lui-même a commis le crime. Emprisonné et interrogé pendant de longs mois, il parvient à s’échapper. Mais au même moment, un homme se faisant appeler le Basilic terrorise le système. La Légion, dirigée par Jay Kalam, redouble alors d’efforts pour retrouver Derron, soupçonné d’être le criminel.

Il sent un peu le réchauffé, mon légionnaire…

Après La Légion de l’espace et Les Cométaires, Williamson clôt sa trilogie du futur (si l’on ne compte pas le quatrième tome paru en 1982), qui ne laissera pas un souvenir impérissable chez le lecteur d’aujourd’hui. Ce troisième tome reproduit les défauts des deux premiers. A commencer par un catastrophisme permanent. Williamson, par une avalanche de mots à connotation péjorative, plaque une ambiance sinistre sur des situations qui ne le justifient pas. Et lorsque c’est légitime, l’auteur n’exploite pas suffisamment le potentiel de son sujet. Par exemple, l’évocation d’une clinique légale d’euthanasie aurait pu donner lieu à une réflexion sur le malaise social et la politique de l’autruche des autorités. Mais Williamson se contente de la mentionner en passant sans chercher à en explorer les implications. Au final, l’atmosphère alarmiste du roman n’est qu’un artifice sans fondement.

Ensuite, les clichés du genre nous sont rabâchés à longueur de page – clichés qui ont fait le charme d’un genre pour certains, et lui ont fait du tort pour d’autres. On veut bien admettre qu’à l’époque, ce n’était peut-être pas si éculé, mais il y a des limites à l’expression « replacer une œuvre dans son contexte ». L’intrigue tourne de nouveau autour d’une arme terrible, d’un méchant qui veut se venger de l’humanité et d’un héros en proie au doute ou à l’injustice. En soi ce schéma n’est pas forcément inintéressant, mais Williamson l’utilise depuis deux tomes sans le renouveler – autrement qu’en changeant le nom de son héros. Autre cliché particulièrement agaçant de nos jours : l’image de la femme, réduite à une simple fonction esthétique : « Et cette fille était trop belle pour passer devant un peloton d’exécution. Une véritable créature de rêve » puis « C’est moi qui ai eu la fille… oui, et quelle belle récompense ! ». Les lectrices apprécieront… Hal Samdu, pourtant l’un des héros du livre, est lui aussi plus stéréotypé que jamais, une brute qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez : « Sous l’effort qu’il faisait pour se concentrer, l’amiral plissait le front ».

Un léger mieux

Malgré ces défauts – irrémédiables – il faut admettre que Seul contre la légion présente un peu plus d’intérêt que ses prédécesseurs. L’intrigue est plus complexe, car elle s’organise enfin autour d’une véritable enquête. Il ne s’agit plus de sauter d’un monde à l’autre tête baissée et de se sortir de situations toujours plus inextricables les unes que les autres, mais de prendre le temps de réfléchir, de chercher des indices et de corréler des faits. Jay Kalam, commandant de la Légion, fait enfin marcher ses méninges. D’ailleurs, Hal Samdu lui répond, suite à l’un de ses ordres : « C’est bon d’avoir enfin, vraiment, quelque chose à faire ». Comme si Williamson s’était soudain rendu compte de la vacuité des deux premiers romans, un peu comme une autocritique. Bien sûr, subsistent certaines révélations arrivant comme un cheveu sur la soupe, mais globalement l’histoire est plus subtile.

De plus, Williamson met enfin en scène d’autres personnages que les gentils et les méchants. On découvre la foule de la Nouvelle Lune – mais on ne voit toujours rien de la Terre – ce qui donne un peu plus de consistance à son univers.

Malheureusement, la fin totalement bâclée vient ruiner tous ces efforts. Elle est abrupte, le roman se termine juste au moment de la résolution de l’affaire, sans débriefing, comme si l’auteur se désintéressait totalement de ses personnages une fois le fin mot de l’histoire révélé. A croire qu’il s’ennuyait plus à écrire le livre que nous à le lire !

Les classiques ne sont pas tous bons à ressortir des placards

Le Bélial avait déjà ressorti ce classique en 2004 dans un volume regroupant les trois tomes. Vu le coup de vieux que le texte a pris en soixante-dix ans, il n’était peut-être pas nécessaire de le rééditer en poche si peu de temps après. Ces romans n’en valent pas la peine aujourd’hui, ils sont la réminiscence d’une SF usée, stéréotypée, poussiéreuse. Les romans d’aventure spatiale qui paraissent de nos jours, même s’ils doivent tout à ce genre de classique, sont au moins (pour la plupart) exempts des plus gros défauts du cycle de Ceux de la Légion. Si Seul contre la Légion relève légèrement le niveau de l’intrigue, ce n’est pas suffisant pour rendre le roman intéressant. En tout cas, nous vous en prions, si vous êtes novices en SF ou si vous voulez faire découvrir le genre à une connaissance… choisissez autre chose !

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