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Ronin

Andrea Rosseto (Dessinateur), Alex Nikolavitch (Scénariste)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 07/11/07  -  BD
ISBN : 9782731620795
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Lavadou   - le 27/09/2018

Ronin

Alex Nikolavitch, scénariste de 36 ans, est l’auteur notamment de Central zéro (Soleil, 2003, dessiné par Toni Fejzula), Spawn : Simonie (Semic, 2004, dessins d’Aleksi Briclot) ou La Dernière cigarette (La Cafetière/Vertige Graphic, 2004, avec Marc Botta). Outre la série Tengu-Do, il a commencé un autre cycle chez les Humanoïdes Associés, dans la même collection, avec Shong Yong aux pinceaux : L’Escouade des Ombres.

Andrea Rossetto, dessinateur italien, a colorisé quelques albums (Romano chez Vents d’Ouest ou Gemelos chez Bamboo) avant de se lancer dans les dessins de Tengu-Do.

A la poursuite de son destin

Le Disciple a affronté le Tengu. Il l’a vaincu, mais ressort grièvement blessé. Le Ronin, qui attendait l’issue du combat, pénètre dans l’antre du Tengu à son tour et dévoile enfin son identité. Bouleversé, le Disciple s’enfuit. Ayant acquis une partie du pouvoir du Tengu, il s’en sert pour se déplacer dans le temps, comme le fait le Ronin. Il part ainsi à la recherche de son destin, de sa place dans le monde, un monde en pleine mutation où il devra trouver sa voie, celle du guerrier. Le Ronin, quant à lui, se ressource dans le sang du Tengu, comme s’il avait attendu ce moment depuis des années.

La boucle est bouclée

Le premier tome de la série Tengu-Do, Disciple, nous avait paru assez faible au niveau du scénario. Ce qui nous semblait le but ultime du cycle était atteint dès la fin de l’album, de façon un peu rapide et sans grand suspens. Mais il ne s’agissait pas d’un défaut : cette apparente faiblesse était calculée, afin de produire un effet qui se révèle particulièrement percutant au début de Ronin. Les premières pages de ce second tome remettent en perspective tout le premier, l’élément fantastique de ce dernier – le contrôle du temps –  trouvant enfin sa justification, et de très belle façon. Nikolavitch gère avec habileté le paradoxe temporel lié à ce pouvoir, sujet périlleux s’il en est, et parvient à boucler une boucle à laquelle on ne s’attendait pas.

Agréable surprise, donc, que nous réserve le scénario. La quête du disciple, à la recherche de son destin, prend alors toute son ampleur et devient le véritable enjeu de la série : « Mon destin et ma vie étaient tracés. Restait à les accomplir. Restait à les trouver ». La fin de Ronin, en bouclant un mini cycle de deux tomes, et sachant que d’autres suivront, confirme que l’intrigue s’oriente plus vers la quête intérieure que vers les combats. D’ailleurs, l’affrontement avec le Tengu ne nous est quasiment pas montré, preuve que les auteurs ont mis l’accent sur le spirituel plus que sur l’action, laissant le temps au héros de suivre son chemin à son rythme. Et pourtant, cet album est plus dynamique que son prédécesseur, Rossetto insufflant plus de mouvement à ses dessins, qui restent agréables et maîtrisés, savant mélange entre simplicité du trait chez les personnages et richesse des décors.

Un monde en mutation

L’autre thème de cette série est l’évolution du monde, de ses coutumes, de sa civilisation. Les déplacements temporels du disciple lui font visiter plusieurs époques, et il peut constater – sans rien pouvoir y faire – la marche du progrès qui balaye les anciens modes de vie. Nikolavitch fait d’ailleurs appel à des événements historiques réels, comme la bataille de Kuyshu (qui vit une révolte de samouraïs, dans les années 1870, écrasée par l’armée de l’empereur Meiji, influencé par la civilisation occidentale), ou le largage de la bombe atomique en 1945, qui marquent chacun une mutation violente, un pas supplémentaire vers la mort des traditions. Mort des traditions qui induit un léger sursaut de conscience chez les hommes, mais qui semble voué à l’échec : « Je ne suis qu’un homme qui tente de préserver quelques bribes de ce qu’il avait à l’époque pour devoir de détruire », déclare un maître au disciple.

Au milieu de tout ça, le disciple est impuissant. Cherchant lui-même sa place dans le monde, il ne peut la trouver alors que le temps lui file entre les doigts. Cette sensation est très bien rendue par les auteurs, aussi bien par les dessins – les transitions temporelles sont subtiles, provoquant une légère désorientation du lecteur – que par les textes. On sent d’ailleurs Nikolavitch inspiré par quelques grands noms de l’animation japonaise comme Miyazaki (Princesse Mononoke) ou Takahata (Pompoko), chez qui le conflit entre progrès et traditions constitue un thème majeur.

L’album de l’accomplissement

Ronin représente donc un accomplissement dans la quête du disciple, devenu ronin à son tour. L’habileté du scénario, très surprenante après un premier tome nettement moins convaincant, laisse présager d’une suite tout aussi prometteuse. D’autant plus que, désormais, le ronin se retrouve devant une feuille vierge. Il a trouvé son destin, il lui reste maintenant à trouver sa place dans le monde, voire à l’inventer. Si Nikolavitch et Rossetto continuent sur cette voie, en prenant le temps de développer leurs thèmes et leurs personnages sans précipitation, il y a des chances pour que Tengu-Do devienne une référence dans le manga à l’européenne.

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