Julien Blanc-Gras, né en 1976, fait partie de la génération qui a grandi avec ce qui constitue le quotidien du français du vingt-et-unième siècle : la multiplication des écrans en tous genres et des moyens de communication, la mondialisation de l'économie et de la culture, les inquiétudes écologiques et démographiques...
Journaliste de formation, il tire de ses nombreux voyages la substance de
Gringoland,
son premier roman, paru au Diable Vauvert en 2005 et lauréat du Festival du premier roman de Chambéry 2006.
Comment devenir un dieu vivant tire d'autres ficelles de son faisceau d'observations et décortique, avec humour, les différents visages de la fin du monde.
Un roman apocalyptique On connaissait les prophéties grinçantes, on avait lu et relu des récits post-apocalyptiques ; restait entre les deux un créneau à prendre : la comédie apocalyptique. Dans le roman de Blanc-Gras, la fin du monde est déjà là. Les symptômes sont éloquents : délitement du lien social, suicides, uniformisation, replis communautaires, obsessions sécuritaires, désenchantement du monde, etc. Un constat suivi de recettes et de recommandations pour bien vivre la catastrophe.
Will a un peu plus de vingt ans, il est payé à la commission pour vendre des journaux dans la rue et aspire à
« être différent. Comme tout le monde ». Un jour, pour rire, il se met à imiter le fou qui harangue les passants à la sortie du métro :
« La fin du monde gratuite pour l'achat d'un journal » annonce-t-il tout en décrivant ce qui, dans l'actualité, parle d'apocalypse. Ce premier
numéro s'enrichit jusqu'à devenir une émission de télévision qui assurera à Will et à ses trois amis le statut de vedettes.
De là, grimper tous les échelons qui feront de lui une star mondiale ne lui sera guère difficile. Il lui suffit d'un peu de chance, de quelques concours de circonstances, d'une posture innovante face à la fin du monde et de beaucoup de communication.
Une comédie avant tout Qu'on ne s'y trompe pas, malgré son sinistre sujet,
Comment devenir un dieu vivant n'a rien de déprimant. Tout est si grave que rien ne l'est vraiment. Qu'a finalement à perdre celui qui sait qu'il disparaîtra quoi qu'il arrive ?
L'heure n'est plus à la recherche de responsables pour les maux de la planète, ni à la repentance et encore moins à la nostalgie de « quand c'était mieux ». Julien Blanc-Gras prend le parti du rire et du délire et compose un roman au rythme effréné où l'on trouve, pêle-mêle, des théories sur le post-humain, des textes de chansons, des témoignages de
« célébrités anonymes », des biographies de visionnaires et, partout, sur et entre les lignes, de francs éclats de rire.
Les médias accouchent de dieux Le passage de l'état de jeune chômeur à celui de dieu vivant doit beaucoup au contexte eschatologique et à la personnalité des héros. Cependant, sans les médias, sans leur fonctionnement et leur importance dans la société, rien de cette aventure n'aurait été possible.
Sous l'humour omniprésent de cette comédie, se dessinent une étude fine et un portrait à peine caricatural du quatrième pouvoir : les abus de la presse, les dérives du
star system, la fabrication artificielle de l'actualité, la concurrence entre informations, la manipulation du public et de l'opinion.
Peut-on aimer ce livre ? On trouve dans la lecture de
Comment devenir un dieu vivant des échos de deux autres ouvrages parus Au diable Vauvert. L'acuité du regard posé sur la société et le récit du destin messianique d'un homme jeune sont des éléments qui font penser, spontanément, à la
Trilogie Prophétique de Pierre Bordage. La forme, elle, caractérisée par une fausse impression de désordre, une grande liberté dans le ton et l'enchaînement des idées, rappelle plus volontiers le Neil Gaiman d'
Anansi boys.
On peut, dès lors, conseiller la lecture de ce drôle de roman, déroutant quelquefois, dont on trouvera des extraits sur
http://www.commentdevenirundieuvivant.fr/