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Comprendre

Jean-David Morvan (Scénariste), Nicolas Nemiri (Dessinateur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 01/02/08  -  BD
ISBN : 9782723443630
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Audrey   - le 31/10/2017

Comprendre

Jean-David Morvan, scénariste prolifique, est un spécialiste de l’école buissonnière. Passage éclair à Saint-Luc, puis viré des beaux arts pour, selon ses propres dires, « non assistance à cours en danger ». C’est davantage au fil de la vraie vie et des rencontres qu’il trouvera son inspiration. Il a notamment collaboré avec Joan Sfar sur la série Troll, et est à l’origine de Sillage, grand succès chez Delcourt, ainsi que d’une version manga de Spirou et Fantasio. C’est sa deuxième collaboration avec le prometteur Nicolas Nemiri, qui illustra Hyper l'hippo publié chez Delcourt.

Et soudain… l’éternité !

L’ouverture est magistrale. Aster, notre héroïne, en plein désert. Le sol gronde et une ombre s’étale doucement. Un papillon vole près de ses yeux subjugués par le spectacle d’une fusée qui s’éjecte de la terre et fonce vers le soleil, emportant avec elle des touristes pour un voyage de quelques années-lumière vers une autre galaxie, dans un monde où depuis plusieurs décennies, on a réussi à faire disparaître la mort…

Bienvenue  dans l’univers d’Aster, rebelle parmi les immortels… unique exception, avec ses quelques amis, dans une société où l’on est condamné à vivre jusqu’à la nuit des temps. Triste de ne pouvoir mener cette existence sans fin, Aster et compagnie s’oublient dans la drogue, l’alcool et la vitesse. Mais au fil de leurs pérégrinations, une angoisse  tenaille le petit groupe de désoeuvrés. Qui partira en premier ?

La mort en question

Cette proposition scénaristique simple mais percutante a le mérite d’entraîner tout un questionnement sur l’idée de mort. Habitant un monde où le trépas n’existe plus, Aster et ses amis tentent de se le représenter. A quoi ça ressemble, une mort ? Et surtout, à quoi ça sert ? En prenant le contre-pied de l’aspiration ancestrale de l’homme à l’immortalité, l’histoire figure les immortels comme des ombres, tandis qu’Aster et sa bande, plus vivants que jamais, sont habités par la fureur de vivre… C’est alors que s’opère un joli retournement métaphysique. La mort, et c’est ce qui est à la fois si simple et si troublant, apparaît comme une nécessité absolue. La perspective d’une fin, dans tous les sens du terme, semble être la condition sinéquanone d’une vie intense, humaine, où chaque instant – dans l’idéal – doit être vécu comme s’il était le dernier. Du coup, certains immortels cherchent le moyen de se plonger dans un coma profond pour se donner l’illusion de mourir. En conclusion, Morvan nous a concocté un scénario saisissant et intelligent, amoindri cependant par des dialogues parfois un peu fades et le manque de relief de certains personnages…

Un univers plastique de toute beauté

Le point de vue narratif oscille entre la focalisation 0, et la perception subjective d’Aster, romantique, hallucinée, qui permet un foisonnement d’inventivité formelle : cadrages singuliers, parfois sublimes lorsqu’elle s’envole – ou bien chute – vers une autre dimension… celle de sa conscience. Tout aussi remarquable est la gamme des couleurs, irréelle, qui va de tonalités presque sirupeuses – bleu éthéré de l’eau, pastels turnériens du petit matin – à des notes pop à la lisière du fluo qui servent parfaitement les scènes sous ecstasy, ou bien encore l’étrange maison où Aster se repose après son overdose…

L’utilisation de la non couleur est aussi judicieuse. Ainsi les immortels juste esquissés comme des semi existences, ou bien le décor qui disparaît parfois totalement pour mieux abstraire Aster en partance pour les tréfonds de son âme…

En conséquence, l’impression fantasmagorique imprégnant l’ouvrage brouille parfois la lecture, et l’on distingue avec peine la réalité, des rêves et hallucinations de la jeune fille. Mais le tour de force de Nemiri est justement d’avoir su faire de cet album un trip au sens littéral.

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