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Photo de Le Waltras 2

Le Waltras 2

Jean-Charles Gaudin (Scénariste), Jean-Pierre Danard (Dessinateur), Yoann Guillo (Coloriste)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/03/08  -  BD
ISBN : 9782302000988
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Christian   - le 27/09/2018

Le Waltras 2

Ces dernières années, Marlysa, l’aventurière masquée, fait une réapparition remarquée dans les librairies tous les dix-huit mois. Un an et demi après la sortie du Waltras 1, voici donc le huitième album de la série, qui est aussi le second et dernier album du Waltras.

En huit albums parus en tout juste dix ans (la parution des premiers tomes était plus rapprochée), Jean-Charles Gaudin et Jean-Pierre Danard ont fait grandir leur jeune héroïne. Le cycle des origines (cinq albums) était centré autour du mystère du masque et de la naissance de Marlysa. En se cherchant une filiation, la jeune combattante partait à la découverte d’un monde médiéval en proie à des seigneurs et des espèces machiavéliques. Puis, l’âge et la sérénité venant, Marlysa, cette « Zorra » itinérante façon fantasy, vogua de mission en mission au gré de ses rencontres. Dans La Femme-vie, c’est par hasard qu’elle se trouvait sur le chemin de la femme qui rajeunit sans cesse.

Dans Le Waltras, à l'occasion de joutes à l'épée, de déplaisantes rencontres la conduisent vers une nouvelle mission. En voyage perpétuel, Marlysa n’est plus maîtresse de son destin, ce sont désormais les événements qui la guident. Devenus célèbres dans ses lieux de pérégrination, son masque et ses talents de maîtresse d’armes ne surprennent plus. Et si toujours autant de téméraires trop curieux veulent voir ce qui se trouve derrière le masque (gracieuse métaphore sexuelle), mal (mâle ?) leur en prend, car ils le paient de leur vie. Dans les premiers albums, le masque pouvait apparaître comme un symbole de la virginité : Marlysa, trop jeune, trop impliquée dans sa quête, ne pouvait être regardée. Avec le temps et sa proximité avec les Amazones, le masque prend une signification plus trouble. Dans Le Waltras, l’impénétrable Marlysa se laisse séduire par le seigneur de Dormunt, mais il ne parviendra pas à « percer son secret » (il ne verra pas les dessous du masque et ne consommera pas l’adultère). Insensible aux avances de Lowell, la jeune combattante est plus à l’aise, lorsqu’elle est entourée de pulpeuses guerrières. Cette identité sexuelle trouble est également utilisée par le scénariste Jean-Charles Gaudin dans d’autres séries : Les Arcanes du midi-minuit, où le héros se transforme régulièrement en héroïne (à moins que ce ne soit le contraire), mais aussi Garous,  où la Caste des Ténèbres regroupe des hommes qui se transforment en loups sanguinaires (transformation + sang = symbolique de la menstruation).

Peu diserts sur l’identité sexuelle de leur héroïne, les auteurs préfèrent développer la parabole de l’âme noire et la mystique du fond et de la forme (le visage est-il le reflet de l’âme ?). Marlysa a eu plusieurs fois l’occasion de montrer son vrai visage à des compagnons d’infortune, sur le point de mourir. C’était le cas dans le premier album. C’est aussi le cas dans Le Waltras 2, où Rynvalk, une mercenaire au visage à moitié brûlé, devise sur ses crimes passés. Elle refuse de mettre un masque parce qu’elle s’accepte telle qu’elle est, mi-humaine, mi-bête féroce. Lorsqu’à l’agonie, elle découvre le vrai visage de l’héroïne masquée, elle le compare au sien et en conclut qu’elle est plus humaine qu’elle ne le croyait (c’est tout dire !). Quand on sait que dans le sixième album (La Femme-vie), Marlysa vient à bout de cruels satyres en leur dévoilant son visage et en les menaçant de leur jeter le même sort…

La tension liée au masque mystérieux n’est donc plus aussi forte que dans le premier cycle, mais elle constitue encore un ressort clé de la série.

Sur les traces du Waltras

Dans Le Waltras 1, Marlysa parcourait le royaume en duelliste professionnelle, de Jyllando à Faradya, lorsque le seigneur local lui confia, contre son gré, la mission de rapporter une mystérieuse dague possédée par le seigneur Dormunt. Quiconque réunira les trois dagues pourra faire renaître le Waltras et disposer du pouvoir absolu. Le seigneur de Faradya veut à tout prix empêcher les Amazones et la reine Mylia, épouse de Dormunt, de s’en saisir. Au terme d’une brève idylle entre Dormunt et Marlysa, la reine jalouse s’enfuit avec la dague par dépit amoureux. Fin du premier album.

Juchés sur leurs capellans volants, Marlysa, le seigneur Dormunt et Lowell partent à la recherche de Mylia. Après avoir découvert le cadavre de son capellan au sol et s’être fait attaquer par une nuée de mouches géantes, ils parviennent jusqu’à un village d’Amazones noires. Marlysa, qui avait reçu avant de partir un appel au secours de Tatrin (un ami du premier cycle), essaie de fausser compagnie à son petit monde, mais Dormunt a des arguments aussi contraignants que convaincants. L’équipée sauvage se rend ensuite dans un village des Amazones rouges, où Mylia est retenue prisonnière. Malgré l’intervention inattendue de Rynvalk, les Amazones rouges parviennent à ressusciter le Waltras, un puma-poulpe géant qui s’enfuit dans l’épaisse forêt « amazonienne ». Dès lors, il s’agira de chasser le monstre et de retrouver les trois dagues pour les détruire.

Une Marlysa plus effacée

Dans cet « Indiana Jones à la recherche des trois dagues », Marlysa n’a pas vraiment le rôle principal. Les exploits, les initiatives, les fantaisies sont plutôt confiés aux personnages secondaires, plus intéressants que l’héroïne dans leur énergie et leur personnalité. D’ailleurs, dès le début de l’album, Marlysa n’a qu’une hâte, c’est quitter cette mission absurde pour retrouver ses amis qui l’ont appelée à l’aide. Le seigneur Dormunt la retient par tous les moyens, ce qui lui vaudra d’être dévoré par le Waltras (on ne touche pas impunément à Marlysa). Marlysa est pressée d’en finir et, l’histoire à peine achevée (il reste à tuer le Waltras), c’est avec un grand soulagement qu’elle la quitte. Évidemment, ça donne envie de lire le neuvième album, mais ça n’aide pas beaucoup le huitième.

Pourtant, il aurait mieux valu qu’elle s’y intéressât davantage, car tous les ingrédients étaient réunis pour qu’elle prît les affaires en main : l’enjeu pour les royaumes du coin, le monstre, la quête, l’exotisme de l’écosystème, le rang de ses compagnons de route. Il faut croire que son idylle manquée avec Dormunt lui a coupé l'envie de poursuivre l'aventure. Tant pis pour elle. Il n’en reste pas moins que les scénarios de Gaudin sont toujours captivants, qu’il crée et anime des univers étranges et attirants et que si le dosage entre action et réflexion penche plutôt du côté du premier (succès oblige), les intrigues sont toujours intelligentes et les personnages toujours intéressants. Le Waltras devait tenir en deux albums, mais on sent bien qu’il y avait matière à dérouler un cycle plus long. Alors, face aux regrets des auteurs, c’est l’héroïne qui abrège la mission !

En dix ans, les superbes dessins de Danard se sont encore affinés. Les personnages, d’une plastique corporelle irréprochable, sont un peu moins uderziens (moins de caricatures dans les traits des personnages secondaires), les élans mangas ont été réfrénés (taille des yeux rétrécie). À l’image de la couverture, les dessins sont plus dynamiques : dans presque toutes les cases, les personnages sont maintenant en mouvement. Et ce, toujours avec une économie de déplacement de caméra : les angles de prise de vue sont rarement originaux. On oublie le point de vue des auteurs. On voit du grand spectacle et les scènes de combat sont vraiment à couper le souffle. Un régal pour les yeux. La couverture à elle seule donne envie de rentrer dans l’univers graphique. Il faut d’ailleurs noter le travail remarquable du coloriste Yoann Guillo. L’album est très coloré (certains pourraient même dire trop) avec une palette de couleurs variée et beaucoup de contraste. Il n’y a pas, à proprement parler, de tonalité graphique originale, mais un soin particulier donné aux ombres et aux effets spéciaux. Les interventions du Waltras sont spectaculaires dans leur éclat et leur débauche de couleurs. Les scènes de l’orage et de la boue, en fin d’album, sont très réussies.

Un Marlysa aujourd’hui, c’est un peu une superproduction américaine. C’est beau. C’est grand. Ça ne révolutionne pas le neuvième art, mais la barre est placée haut, qu’il s’agisse du découpage, des dessins, des couleurs, de l’intrigue ou des dialogues. Dans dix ans, dans vingt ans, on relira Marlysa.

Et, pour l’instant, on attendra encore dix-huit mois.

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