La Séparation

Né en 1943 en Angleterre, Christopher Priest a eu deux vies en science-fiction. Dans les années 70, il tient le haut du pavé avec des romans brillants qui sont aujourd’hui devenus des classiques : Le Monde inverti, Le Rat Blanc, La Fontaine pétrifiante, L’Archipel du rêve… Puis l’auteur s’est tu presque complètement pendant quelques années. Résultat logique le rythme des traductions en France s’est tari au point de ne plus parler de Christopher Priest qu’au passé. On se trompait. A la fin des années 90, les éditions Denoël ont redécouvert cet auteur passionnant, proposant aux lecteurs ses derniers et excellents romans que sont Le Prestige et Les Extrêmes. De quoi nous mettre l’eau à la bouche en voyant arriver La Séparation.

Deux jumeaux dans l’Enfer de la guerre.

La guerre fait souvent des ravages sur les champs de batailles mais aussi dans les familles des pays en conflit. La Seconde Guerre mondiale n’a bien sûr pas échappé à la règle créant des millions de drames, notamment chez les Sawyer, deux jumeaux aux destins opposés. Le premier, Jack, est pilote d’un bombardier qui mission après mission largue sa terrible cargaison sur les villes allemandes. Le deuxième, Joe est un pacifiste convaincu qui au sein de la Croix Rouge parcourt les rues de Londres en plein Blitz pour porter secours aux victimes. Tout dans cette guerre les opposent. Jusqu’à Birgit, une jeune femme juive allemande venue se réfugier en Angleterre et dont ils sont tous les deux tombés amoureux… jusqu’à ce que Joe l’épouse.

En deux parties distinctes, Christopher Priest nous raconte l’histoire de ces jumeaux pendant la Seconde Guerre mondiale. Deux hommes qui vont changer à eux seuls le cours de l’Histoire, jusqu’à la faire diverger par rapport à ce que nous connaissons…

Passionnant

A n’en point douter, La Séparation est un grand roman. Christopher Priest se balade sur un chemin étroit et passionnant entre la littérature générale et l’uchronie. Car si de facto il s’agit bien d’une uchronie, il n’en distille les éléments que petit à petit, se concentrant sur l’histoire de ces jumeaux au cœur du conflit. D’habitude les romanciers de S-F se servent de l’Uchronie comme d’un point de départ pour mettre en place un monde différent dans lequel ils placent leur histoire. Ici Priest le rusé nous raconte surtout comment cette divergence se fait, s’attardant sur le déroulement des faits plutôt que sur leurs conséquences. Résultat, on est d’abord pris dans le quotidien des deux hommes avant de l’être par l’enjeu global du récit.

Au final, en renfermant ce roman, on se dit qu’il n’est ni haletant, ni palpitant. Il est juste incroyablement prenant par la qualité de l’écriture et de l’intrigue. En plaçant l’uchronie en second plan, il ne lui donne que plus d’intérêt, un peu comme une surprise finale. Surtout il remet l’humain au centre du récit. Et c’est cela qui est appréciable et passionnant, faisant de La Séparation un bon roman de science-fiction et plus globalement de littérature générale. Un événement de l’année 2005 qui restera sans doute dans les mémoires !