Mortemer

Valérie Mangin est une scénariste née en 1973. Après des études d’histoire, elle se tourne vers le scénario de BD. Lors d’une dédicace, elle rencontre Denis Bajram (l’auteur d’Universal War 1) qu’elle épouse en 1999. En 2005, ils créent les éditions Quadrant Solaire. Valérie Mangin a scénarisé notamment les séries Le Fléau des dieux et Le Dernier Troyen chez Soleil.

Mario Alberti est un dessinateur italien. Il démarre sa carrière dans des revues de BD comme Fumo di China ou Intrepido, avant de travailler pour l’éditeur Sergio Bonelli sur les collections Nathan Never et Legs Weaver. En 2002, il démarre une collaboration avec Luca Enoch sur la série Morgana pour les Humanoïdes Associés. Suivra la série Redhand pour le même éditeur, avec Kurt Busiek.

Mortemer est le premier one-shot de la nouvelle collection Hanté de Soleil, dirigée par Christophe Bec (à qui l’on doit, entre autres, Sanctuaire ou Bunker). Cette collection a pour objet de (re)visiter des lieux que la légende dit hantés, à travers des one-shots ou des collectifs. Un premier collectif est sorti au même moment que Mortemer (lire la chronique).

Les fantômes de l’abbaye

Guillaume est propriétaire de l’abbaye de Mortemer. Ses parents viennent de mourir lors de leur quête du trésor des moines qui y ont été assassinés au XVIII^ème siècle. Ce qui tend à confirmer la légende selon laquelle ce trésor est maudit. Mais Guillaume ne croit pas à cette légende. En revanche, il croit aux fantômes des moines et de la Dame Blanche qui hantent les lieux, puisqu’il subit leurs assauts depuis son enfance. Il s’y est cependant habitué et décide même d’exploiter leur potentiel en faisant de l’abbaye un parc d’attraction. Car Guillaume n’a aucun scrupule et ne vit que pour l’argent.

Une histoire de fantômes originale

Les histoires de fantômes, on commence à en avoir fait le tour. Lancer une collection sur des lieux hantés était donc un pari risqué. Valérie Mangin et Mario Alberti s’en sortent plutôt bien pour ce premier album one-shot. Tout d’abord, le choix d’un lieu réel, accompagné de ses légendes et de faits historiques avérés, donne un petit cachet de crédibilité au décor. D’autant plus que les auteurs se sont bien renseignés et ont même visité la véritable abbaye – un cahier documentaire avec textes et photos à la fin de l’album conclut d’ailleurs celui-ci de façon très intéressante.

À l’intérieur de ce décor, Valérie Mangin construit une histoire plutôt surprenante, pas exempte de défauts – on pourra lui reprocher quelques explications un peu laborieuses, surtout en fin de volume – mais bien maîtrisée, équilibrée et avec quelques originalités bienvenues : on pense au narrateur, Guillaume, personnage détestable, cupide et sans scrupules, qui impose au lecteur un point de vue auquel il n’est pas habitué ; le traitement du thème, pour une fois, ne se fait pas sur le mode horrifique : Guillaume vit avec les fantômes depuis tout petit et ils ne lui font plus peur, on sort donc des schémas classiques de ce genre d’histoires ; Mangin rompt la linéarité du récit avec quelques flash-back bien identifiés (changements de couleurs, de forme des cases) qui rendent la lecture assez rythmée ; enfin, la scénariste balade son lecteur avec quelques fausses pistes et concocte une fin particulièrement bien trouvée, même si on ne la qualifiera pas de « géniale ».

Côté dessins, la réalisation est à la hauteur, avec de belles planches et une colorisation inspirée. Le trait d’Alberti se prête bien à l’histoire, et son travail sur les décors (que l’on peut comparer aux photos en fin de volume) est soigné. Seuls les visages laissent parfois à désirer, un peu déformés d’une case à l’autre.

Globalement, Mortemer est donc un album réussi. Même s’ils n’atteignent pas l’excellence, les auteurs ont su éviter les pièges des histoires de fantôme et lancent la collection Hanté sur de bons rails.