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Ange Mémoire

Robert Charles Wilson ( Auteur), Gilles Goullet (Traducteur), Tristan Meudic (Illustrateur de couverture)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/05/08  -  Livre
ISBN : 9782070343492
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ketty   - le 31/10/2017

Ange Mémoire

Né aux États unis et vivant à Vancouvert, Robert Charles Wilson est, comme le rappelle le bandeau rouge décorant Ange Mémoire, l'auteur de Spin, prix Hugo 2006 et GPI 2007. Il écrivait pourtant avant ce fameux roman et c'est dans le désordre que le lecteur francophone découvre d'autres de ses textes comme Les Chronolithes (initialement paru en 2001, chez Denoël en 2003 puis chez Folio SF en 2007), Les Fils du vent (1988, J'ai lu en 1994 puis Folio SF en 2005)...
Ange Mémoire est la traduction pour Folio SF de Memory Wire, un texte datant de 1987 et jusque là, inédit en France.

Un ange au Brésil

Raymond Keller part en mission au Brésil. C'est un reporter d'un genre nouveau, un “ange” câblé, formé pour l'armée, doté d'une puce électronique qui enregistre tout ce qu'il voit.
Ray accompagne Byron Ostler, ancien “ange” rencontré à la guerre et Teresa Rafael, artiste toxicomane des bidonvilles de Los Angeles. Ils doivent mener à Pau Seco une transaction des plus dangereuses : l'acquisition en contrebande d'une pierre de rêve. Cet artefact extraterrestre connu pour ses propriétés hallucinogènes révèle, quand il est tiré d'un gisement plus profond, des pouvoirs qui incitent à la prudence. L'aventure démarre comme l'occasion pour chacun de formuler ses nœuds existentiels et, peut-être, la chance de les résoudre.

Un monde dystopique

L'Amérique de Ray, Byron et Teresa n'a rien d'un paradis. Elle en a pas fini avec la guerre et son avancée technologique lui a permis d'améliorer ses armes. Elle a créé des fléaux comme ces fils monoatomiques capables de découper si bien un soldat que son cadavre s'effondre sans le moindre bruit. C'est aussi le progrès des sciences qui a permis la naissance des “anges”, soldats-caméras et des soldats de pointe munis d'extensions sensorielles.
De leur côté, les civils ordinaires consomment sans discontinuer, carte de crédit à la main, de la nourriture au plaisir sexuel en passant par le marché bien cadré de la drogue.
Aux marges de cette société de consommation, fleurissent les Flottes, des bidonvilles flottants où s'agglutinent pèle-mêle, les pauvres, les clandestins, les criminels et les artistes. C'est là que vit Teresa Rafael.

Le passé et la mémoire
Que faire du passé ? Voilà la question centrale examinée par Ange Mémoire. Convient-il d'archiver les événements ou faut-il tout oublier ? Pour la civilisation des Exotiques à qui les terriens doivent les onirolithes, tout doit se conserver. L'oubli constitue dès lors une perte dramatique. Les pierres ont résolu le problème en leur permettant d'archiver intégralement la mémoire du peuple.
Les terriens considèrent, au contraire, que l'oubli est une faculté évoluée, le moyen de ne garder que l'essentiel et d'échapper à l'excès de données et à la folie.
Que se passerait-il si la capacité matérielle de la mémoire humaine augmentait tout à coup ? La découverte des oniros ouvre des pistes fascinantes, mais le cadeau des Extraterrestres n'est-il pas trop beau pour être inoffensif ?

La mémoire et les sentiments

Disque de sauvegarde de toute une société, les onirolithes des Exotiques permettent aussi l'accès à la somme des souvenirs de toute personne qui les touche. Mais est-ce vraiment ce que veulent les humains ?
Le problème du passé et de son stockage se pose donc également d'un point de vue plus individuel.
Teresa voudrait soigner son amnésie et brûle de connaître, tout en la redoutant, la vérité sur les premières années de sa vie. Entre l'oubli favorisé par les drogues courantes et les réminiscences provoquées par les pierres, elle hésite et n'est pas certaine de vouloir comprendre pourquoi elle se sent si mauvaise.
Ray voudrait oublier les atrocités de la guerre et sa lâcheté devant la mort de celle qu'il a aimée. Son crime est-il seulement pardonnable ?
Oberg, leur poursuivant, surnommé le tueur de bébés, se souvient parfaitement de tout, mais manque de perspective pour prendre la mesure du mal qu'il a pu commettre. C'est au contact des pierres des rêves qu'il découvre la souffrance de ses victimes et un embryon d'empathie. La mémoire n'est plus une simple accumulation de faits. Les pierres présentent aux hommes plusieurs facettes des souvenirs et semblent vouloir opérer une réconciliation du présent avec le passé.

Cyberpunk et humanité

Les problèmes de câblage, de puces et de mémoire placent d'emblée ce roman dans le mouvement Cyberpunk. Un cyberpunk qui se détourne enfin des réseaux et des virus, des pirates et des cyborgs, pour faire la place belle à l'humain et à ses interrogations sur le monde, sur la science et sur lui-même.
On notera toutefois des éléments mystérieux et quasi magiques, dans la narration (Pourquoi les gentils extraterrestres offrent-ils des pierres de mémoire aux humains ?Par quel miracle partagent-ils notre sens moral ?), des explications à peine effleurées (la nature électronique des onirolithes, le fonctionnement des puces des “anges”). On déplorera également une fin trop molle au regard de ce qui la précède.
Mais ces petits défauts sont peu de chose et n'enlèvent rien au plaisir d'une écriture (et ou d'une traduction) agréable et aérée, de réflexions étoffées mais jamais indigestes et de personnages plus vrais que nature avec leurs blessures et leurs petites méchancetés.
Ce roman, assurément, vaut la peine d'être découvert.

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