Charlie Bone et la bille magique
Changement de traduction et d’illustrations pour Charlie Bone chez Gallimard Jeunesse après M6 Editions. Dans le second roman du cycle, Charlie Bone était flanqué d’un « tourne-temps » (time-twister), il est désormais affublé d’une « bille magique ». Après le premier album 2/3 Harry Potter, 1/3 Club des cinq, où le héros jouait les jeunes détectives en quête d’une mallette magique et, accessoirement, en quête de son père disparu, le second album est davantage centré sur le château-collège, plus vivant et plus innovant.
La collection Folio Junior, qui publie également Harry Potter Jeunesse, a confié les illustrations à Kellie Strom qui n’a pas eu de mal à faire mieux que M6 Editions, dont le style enfantin était totalement hors sujet. On se rapproche du style des couvertures américaines des romans de J.K. Rowling : colorées avec effets de relief, courbes rondes, luxe de détails et texture plastique. Il manque juste à Charlie la cicatrice et les lunettes.
Avec plus de quarante ouvrages jeunesse à son actif, Jenny Nimmo surfe avec succès, en Angleterre, sur la vague des collégiens magiciens. Tous les ingrédients sont là, mais à la différence de la série adaptée au cinéma et comme chez Marvel ou dans Lanfeust, les personnages n’ont qu’un pouvoir. Ils doivent donc se réunir pour surmonter les obstacles. La famille de Charlie est plus sympathique que celle de Harry, mais sa grand-mère paternelle et ses grand-tantes Yeldim sont de méchantes sorcières.
Jenny Nimmo bâtit peu à peu son petit monde. Un ton en-dessous tout de même de son illustre consoeur britannique.
Kidnapping au collège
Après un trimestre tourmenté (Le Mystère de minuit), Charlie Bone retourne à l’Institut Bloor réservé aux interprètes surdoués et aux jeunes magiciens, descendants du Roi rouge. Il y fait l’étrange rencontre d’un sosie de onze ans, qui n’est autre que son arrière-grand-oncle Henry, grand amateur de billes. Projeté dans le futur par un cousin jaloux, il est exposé à la vindicte de ce même cousin devenu centenaire et puissant sorcier, caché dans un laboratoire du collège. Grâce à sa faculté de revivre les scènes contenues dans des tableaux ou dans des photos, Charlie va venir en aide à son jeune vieux parent.
Avec ses amis (Gabriel le sensitif, Tancrède le semeur de tempêtes, Lysandre le marabout africain, Emma l’oiseau tollroc, Olivia et Fidelio), Charlie va tenter de cacher Henry au collège, puis quand celui-ci sera kidnappé par la bande des méchants sorciers (Manfred, Zelda, les sœurs Yeldim et les autres), Charlie tentera tout pour le retrouver et lui rendre sa liberté.
Dense, rapide, un peu trop rapide
Dans ce second roman, les personnages sont plus nombreux, ils sont mieux campés, ils interagissent davantage entre eux. Charlie est moins seul, moins centré sur sa famille, sur son ami Benjamin et davantage sur ses études et les labyrinthes du collège. Jenny Nimmo a développé les trouvailles magiques qui faisaient déjà l’attrait du premier ouvrage. Balloté entre la bille magique, le voyage dans le temps, la maison des Tempêtes, Skarpo le sorcier enfermé dans son tableau, le Tollroc, l’arbre rouge de sang, le Zanimo Café, la baguette galloise, Charlie a de quoi s’émerveiller. Le découpage du livre en une vingtaine de chapitres courts bien relevés accélère le rythme. Bref, l’univers de Charlie prend forme et lui-même en prend de la graine.
Il lui reste toutefois des progrès à faire pour arriver à la hauteur de Potter. Les dialogues sont nombreux, ce qui accentue la fluidité du récit, au détriment de l’atmosphère, de la précision des décors, de la peinture des sentiments. La multiplicité des personnages tue parfois la profondeur des échanges. Les dialogues restent superficiels et utilitaires. Le style est efficace, sans avoir l’élégance (en anglais) et la légèreté de l’écriture de Rowling.
Pire, les incohérences du récit sont nombreuses et les ficelles grossières : Henry devine sans indice que la bille magique renvoie à un espace-temps à la même température, Charlie est attiré sans qu’on sache pourquoi par la baguette de Skarpo, Mme Bloor contrôle la bille magique, etc. Emportée par ses dialogues et son rythme, Jenny Nimmo simplifie et redouble de tours de passe-passe pour arriver à ses fins. Comme si l’écriture était trop rapide, le style immature et que la structure détaillée du récit n’était pas suffisamment travaillée.
C’est dommage parce que les personnages deviennent, au fil des histoires, plus réalistes et plus attachants. L’univers plus cohérent. En filigranes, sur le temps du cycle, s’inscrit peu à peu non pas la montée en puissance des méchants (comme avec Voldemort), mais la recherche du père. Désormais, Charlie a trouvé des indices et sa mère commence à croire à sa résurrection.
La suite du père invisible avec le tome 3, Charlie Bone et le garçon invisible.